4 jours pour découvrir Hiroshima

Je ne sais pas vous, mais j’ai soudainement envie de chanter ‘Think’ d’Aretha Franklin. Surtout ce passage, vous savez, celui qui fait « Freedoooom, freeeedom, FREEEDOOOM ». Bon, je crois que vous avez compris, je me sens libéré d’un poids depuis que j’ai quitté le temple Shonnenji. Pour ma grande échappée, j’ai rejoint Fukuoka en bus avant de prendre le Shinkansen pour la première fois. Je pense honnêtement que les paysages magnifiques de Kyushu vont me manquer, mais pour me consoler je foule du pied une ville que j’avais hâte de visiter : Hiroshima.

Cette métropole au lourd passé comporte, en plus de ses mémoriaux dédiés à l’histoire de la destruction de la ville par la première bombe atomique, de beaux quartiers, temples, et atouts. Je vous emmène donc avec moi 4 jours pour découvrir Hiroshima, dite « la grande île ».

Entretenir le souvenir d’une ville meurtrie

C’est une date que tous les élèves du monde apprennent à l’école : le 6 août 1945, à 8h15 du matin, un bombardier américain B29 survole Hiroshima et largue la première bombe atomique de l’histoire en plein cœur de la ville. L’explosion et ses conséquences directes entraîneront près de 140 000 morts, soit environ la moitié de la population à l’époque. Les années qui suivront, de nombreux autres décès, invalidités et maladies viendront s’ajouter à ce morbide compteur. Encore aujourd’hui, les survivants de cette tragédie vivent dans l’anxiété de tomber malade. Ils ne peuvent pas oublier cet événement, considéré par certains historiens comme le principal crime de guerre des Alliés.

Tout visiteur à Hiroshima ne peut ignorer son histoire, et à le devoir de s’informer sur ce bombardement et ses conséquences. L’objectif est répété dans tous les musées et monuments historiques de la ville : ne jamais oublier, ne jamais recommencer.

Le parc de la Paix, en plein centre de la ville, comporte plusieurs monuments commémoratifs. Leur simplicité architecturale permet de transmettre un puissant impact émotionnel. Par exemple, le Monument Commémoratif de Hiroshima se présente sous la forme d’une arche en pierre. En se plaçant devant la gerbe de fleurs, on peut voir la Flamme de la Paix brûler, ainsi que le Dôme de Genbaku.

Le Dôme de Genbaku est, sans doute, le monument le plus célèbre de la ville. Situé à 160m de l’hypocentre de l’explosion, sa structure a en partie résisté au souffle de la bombe. L’édifice a été laissé tel quel, et maintenu dans un état le plus proche possible de celui de l’époque. Les épais murs en béton et en brique éventrés donnent un mince aperçu de la violence de la détonation. 

Dans le Parc de la Paix, j’ai pu visiter le musée du mémorial de la Paix de Hiroshima. Ce musée, à l’architecture brute, permet de suivre les événements du 6 Août, et des jours qui ont suivi. Attention, il s’agit d’une visite émotionnellement très chargée. On y retrouve les témoignages glaçants des survivants, mais aussi les derniers mots des irradiés, des photos de corps d’adultes et d’enfants atrocement brûlés, ainsi des objets complètement métamorphosés par les 4000 degrés atteints lors de l’explosion de la bombe…

Le parc comporte de nombreux autres points d’intérêt, mais le plus touchant selon moi reste le Monument de la Paix des Enfants. Il représente à son sommet une petite fille, les bras tendus vers le ciel, surplombée par la représentation d’une grue en Origami. Sur une plaque, on peut lire « Ceci est notre cri, ceci est notre prière : paix dans le monde. »

 Il s’agit d’un hommage à Sadako Sasaki, dont l’histoire bouleversante a transcendé les frontières. 

L’histoire de Sadako Sasaki et ses 1000 grues

Sadako Sasaki avait deux ans lorsque la bombe atomique frappa Hiroshima, le 6 août 1945. Semblant en bonne santé après l’explosion, elle développa pourtant une leucémie dix ans plus tard, conséquence des radiations.

Inspirée par une légende japonaise selon laquelle plier 1000 grues en papier exaucerait un vœu, Sadako entreprit de les fabriquer avec l’espoir de guérir. Elle en réalisa des centaines, souvent à partir d’emballages récupérés, mais s’éteignit à 12 ans, en 1955.

Touchés par son histoire, ses camarades poursuivirent son œuvre. Aujourd’hui, Sadako est devenue un symbole de paix, et chaque année, des milliers de grues en origami sont déposées au Mémorial de la Paix d’Hiroshima en son honneur.

Pour compléter la visite du Parc, et pour en apprendre plus sur les événements du 6 août, il existe d’autres lieux beaucoup moins connus qui peuvent se visiter gratuitement. Il s’agit en l’occurence de deux écoles primaires, transformées en musée.
On y retrouve les témoignages des écoliers survivants, leurs possessions, mais aussi des objets ou des parties du bâtiment d’origine, laissées en l’état. Lorsque ces écoles ont été rénovées, on y a notamment découvert des inscriptions laissées par les survivants à la craie sur les murs. Ces messages, remarquablement préservés, servaient à communiquer avec les autres survivants, ou à retrouver ses proches. Il s’agit de visites très touchantes, et absolument méconnues des touristes, que je recommande vivement si vous êtes de passage.


Avec du recul ce qui m’a frappé lors de mes visites, en plus de la quantité inimaginable de souffrance que cet événement a causée, c’est la résilience de la population. Dès les premiers jours après la catastrophe, des postes de soins ont été aménagés. Les habitants se sont entraidés le plus possible, parfois grâce au soutien international. Moins d’un an après la destruction totale de la ville, les écoles permettaient aux enfants de retourner en classe. J’ai trouvé que les photographies de ces élèves studieux, appuyés sur des bureaux rabibochés dans les salles de classe dévastées, étaient particulièrement puissantes. 

La riche culture d’Hiroshima

Après ces visites éprouvantes, il m’a fallu un petit temps calme avant de reprendre la balade. Un café plus tard, j’ai rejoint le superbe parc Shukkei-En. Visite incontournable pour les amateurs de jardins japonais, il permet de profiter d’une ambiance apaisante et verdoyante, même en hiver. On y retrouve de nombreuses espèces végétales, qui mettent en valeur de mignons petits ponts en pierre et en bois. Le parc comporte également un beau point d’eau, dans lequel nagent de grosses carpes Koï colorées.

 Il s’agit d’un lieu parfait pour se ressourcer. J’ai également pu y croiser un couple de jeunes mariés en kimono traditionnel, qui y réalisaient les clichés de leur mariage. Je n’ai pas pu m’empêcher de les prendre moi-même en photo (gratuitement en plus…).

En sortant du parc, j’ai rejoint la cour du château Hiroshima-jô, à deux pas de là. Il s’agit d’un château de style traditionnel japonais, daté de l’époque 1590 avant sa destruction en 1945. Son parc est connu pour comporter de superbes cerisiers, mais étant donné la période ces derniers ne sont pas encore fleuris. Point positif : cela m’a permis de profiter de magnifiques points de vue sur le château, quasiment sans touristes.

Pour continuer la journée, j’ai décidé d’aller explorer la partie Nord-Est de la ville. Plus résidentielle, elle comporte cependant de beaux sanctuaires peu connus, comme le sanctuaire Toshogu, ou encore le temple bouddhiste Myojo.

La vraie petite pépite de ce quartier est cependant l’ascension du mont Futabasan. Ce dernier permet de profiter d’un bel escalier encadré par des dizaines de tori rouges, avant d’atteindre un point de vue grandiose sur la ville. Au moment où la lumière était dorée, j’ai adoré profiter de la vue sur Hiroshima et sa baie au lointain.

En rentrant de cette petite grimpette, j’ai apprécié marcher dans les rues sous la lumière du coucher de soleil. Malgré le temps frais, la météo était très claire et l’ambiance qui se dégageait de la ville était tout simplement superbe.

Enfin, pour finir la journée en beauté, rien de tel qu’un bon Okonomiyaki. Il s’agit d’une sorte d’omelette au choux, grillée des deux côtés sur une plaque chauffante. Cette spécialité d’Hiroshima se distingue de celle d’Osaka par le fait qu’elle contient des nouilles ! J’ai trouvé un petit restaurant tenu par une grand-mère à proximité de mon hôtel. C’était très réconfortant après une grosse journée de marche.

Miyajima : une des trois plus belles vues du Japon

Pour conclure cette excursion à Hiroshima, je ne pouvais pas ignorer une des destinations favorites des touristes et des locaux : l’île de Miyajima. Cette dernière, située au Sud-Ouest d’Hiroshima, est facilement accessible en transports (train et bateau). Ce lieu est célèbre dans tout le pays pour sa vue sur un magnifique Tori rouge vif, qui a la particularité d’être érigé dans la mer. En fonction de la marée, on peut soit admirer sa splendeur du bord, soit avancer pour le toucher du doigt.

Aux alentours du Tori, on peut profiter des petites rues commerçantes de Miyajima. L’île est connue pour son savoir-faire, notamment concernant les cuillères à riz (ça ne s’invente pas). N’écoutant que ma passion pour l’artisanat local, je me suis empressé d’acquérir un magnifique exemplaire personnalisé à mon nom (Enfin, à 50 yen le caractère, j’ai fait écrire « Anto »).
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que j’avais en fait mis la main sur une cuillère à riz ornementale, porte bonheur. Si quelqu’un a une idée de comment je peux la mettre en valeur chez moi, je suis preneur !

L’île est également célèbre pour ses Momiji Manju, de délicieux gâteaux moelleux en forme de feuilles d’érables (vous l’aviez chez-vous, si vous avez bien suivi les articles jusque-là) fourrés à la pâte de haricot rouge anko. Un petit délice !

Lors de la balade sur l’île, on tombe fréquemment nez à nez avec les mignons petits cerfs qui se baladent en liberté dans la ville et sur les chemins. Gare à vos sacs et à vos poches, ce sont de gros gourmands.

Au delà du tori flottant, si vous êtes de passage à Miyajima, je vous conseille vivement de vous rendre dans le temple Daishō-in. Sa collection de bouddhas en pierre est très jolie à regarder. En plus, ils ont de petits chapeaux rouges tout mignons !

Enfin, pour profiter d’une vue imprenable sur la baie de Hiroshima, j’ai entrepris l’ascension du mont Misen. Elle dure environ 1h30, et je suis passé par une très belle forêt en grimpant. J’y ai apprécié la dense végétation, et la présence des petits cerfs de l’île. J’ai ensuite débouché sur un observatoire à 360° qui m’a permis de reprendre mon souffle en contemplant la mer et les petites îles qui parsèment la baie.

Après être revenu sur l’île d’Honshu, j’ai profité de ma dernière soirée à Hiroshima pour flâner paisiblement dans les ruelles. Enfin, ça, c’est que j’aurais dit s’il ne s’était pas mis à pleuvoir des cordes !
Qu’à cela ne tienne, cela ma donné l’occasion de m’essayer à la photo sous la pluie. J’adore les parapluies transparents japonais, je les trouve toujours très esthétiques.

En route vers le Kansai !

J’ai vraiment adoré Hiroshima : son histoire, son atmosphère, sa gastronomie et ses paysages. Je me verrai franchement bien y retourner, si le temps le permet !
Cependant, pour le moment, je me dirige vers la région du Kansai, et en particulier ses deux villes phares : Osaka et Kyoto. À terme, j’ai prévu de prendre mon temps pour m’immerger dans ces deux villes. Mais pour l’heure, je vais y passer environ 10 jours. Pour l’occasion, ma petite sœur me fait l’honneur de me rejoindre, alors autant en profiter comme de bons touristes !
D’ici là, portez vous bien, et à bientôt dans le Kansai !

またね
Antoine