Au cœur des mystères de Takachiho : fin du chapitre au temple

Bonjour à toutes et tous, j’espère que vous supportez bien cette fin de mois de Janvier ! Le saviez-vous : statistiquement il s’agit de la période la plus déprimante de l’année… Alors si ça ne va pas fort, tenez le coup : ça ne peut que s’améliorer à partir de maintenant.
C’est ainsi dans cette mentalité que j’ai poursuivi mon volontariat dans le temple Shonnenji à Takachiho. Haut les cœurs ! C’est depuis ce bastion, en tirant profit le plus possible de ma Rolls Royce en libre-service, que je vous emmène découvrir une culture et des paysages magnifiques, avant de quitter Kyūshū pour de bon. Vous êtes prêts ?! 行きましょう ! (« Ikimashou » = On y va !)

Mes missions au temple : à la recherche du respect

Les probabilités étaient faibles, et mes espoirs également, mais je peux vous confirmer que la qualité de mes missions au temple ne s’est pas améliorée. Enfin, relativisons, je pourrais rajouter « homme à tout faire » sur mon CV, ça me servira peut-être un jour…
En tout cas au niveau du contact humain, et de la création d’une belle relation hôte-volontaire, on est proche du zéro absolu. Mes quelques discussions avec Victoria se résument à mes tâches (le plus souvent, ranger ou nettoyer après eux). De fait, pour ne pas que la frustration prenne le dessus, j’ai du parfois savoir dire non quand la mission était trop ingrate. (Au risque de me brouiller avec mes hôtes.)
Malgré cette ambiance navrante, j’ai quand même pu travailler sur deux-trois choses intéressantes. Par exemple, on m’a proposé un job de photographe de magazine de design d’intérieur ! Bon, ok, j’exagère un petit peu.
Le temple est doté d’une loge destinée aux touristes, qui peuvent donc passer la nuit dans un très beau cadre. Pour faire la promotion de cette loge sur des brochures et sur les réseaux, j’ai été mandaté pour prendre quelques clichés. Comme j’adore prendre des photos, cela m’aura au moins permis de joindre l’utile à l’agréable.

De la même façon, j’ai pu, grâce à cette nouvelle casquette de photographe, prendre des clichés d’une pièce importante pour le temple : le mausolée. Attention, point culture mortuaire.
En Europe, nous avons l’habitude, lors de l’incinération des défunts, d’un procédé qui réduit les corps en cendres fines. Au Japon, ce procédé n’est pas utilisé, et les ossements prennent donc plus de place.
Dans la religion bouddhiste, il est fréquent que ces ossements soient ainsi conservés dans des mausolées. Le plus souvent dans des meubles, qui permettent de réunir les différents membres de la famille au sein d’une même sépulture. Victoria m’a demandé de prendre des photos à but commercial. Autrement dit, pour pouvoir faire la promotion de ce mausolée auprès des adeptes. (Le temple récupère donc l’argent de la location des emplacements.)
Il était donc pour moi assez exceptionnel de pouvoir voir ce lieu, et encore plus d’y prendre des photos. J’ai essayé de retranscrire l’atmosphère de cette pièce dans cette série.

Sinon, ça vous dit un bon curry ? L’une des seule sorties que j’ai pu faire avec mes hôtes était d’aller à un festival de curry japonais local. (La « curry festa », ça fait rêver.) Il y avait quelques stands proposant des currys de saveurs variés (gibier, végétarien, fromage,…) mais globalement, c’était plutôt décevant. Surtout après presque 2h de route ! Heureusement, la lumière de fin de journée était chouette.

Et bien dansez maintenant

Ce qui fait l’unicité de Takachiho, si vous vous souvenez bien, c’est le lien unique qui unit la ville avec la légende de la déesse Amaterasu. Pour faire vivre ce lien, le sanctuaire principal de Takachiho offre tous les soirs une représentation de danse traditionnelle Kagura.

La danse Kagura est une danse rituelle japonaise liée au shintoïsme, pratiquée depuis des siècles pour honorer les divinités et célébrer les cycles de la nature. D’origine mythologique, elle tire ses racines du récit d’Amaterasu, la déesse du soleil, que les autres dieux auraient attirée hors de sa cachette grâce à une danse festive.

Généralement exécutée dans les sanctuaires shinto, le Kagura se distingue par des mouvements lents et précis, souvent accompagnés de musique traditionnelle jouée sur des tambours taiko, des flûtes shinobue, et parfois des cloches. Les danseurs portent des costumes élaborés, souvent agrémentés de masques représentant des divinités ou des esprits.

Ces danses sont un moyen de connecter la communauté aux dieux, tout en perpétuant un héritage culturel profondément ancré dans l’histoire japonaise.

Pendant une heure, il est ainsi possible de revivre les moments culte de cette légende, grâce au talent des danseurs et des musiciens qui les accompagnent. J’ai réservé cette session en 4 actes, qui se déroule dans une annexe du sanctuaire. La salle est de type traditionnel, recouverte de tatamis, et j’ai vraiment adoré.
Je vous propose de revivre les 4 chapitres de la danse. Rappelez-vous : la déesse du soleil Amaterasu, effrayée par les agissements de son frère, s’est enfermée dans une grotte, privant ainsi le monde de sa lumière.

Dans ce premier acte, Tajikarao, le dieu de la force, cherche la cachette d’Amaterasu. Il est muni de sa cloche dans la main droite, et de l’Iwato-nusa (le bâton purificateur) dans la main gauche. Il tourne alors lentement sur la scène pour identifier la grotte où s’est réfugiée la déesse.

Après avoir localisé la cachette, la déesse Amenouzume danse pour attirer l’attention d’Amaterasu. La danse est plus énergique, et monte en rythme. La légende dit qu’Amenouzume aurait finit par danser de façon de plus en plus désinhibée, en retirant peu à peu ses vêtements.
Ce strip-tease aurait provoqué un fou rire général dans l’assemblée divine. Curieuse de savoir pourquoi tout le monde rit et semble s’amuser en son absence, Amaterasu jette un coup d’œil hors de la caverne. C’est le moment que les autres dieux attendaient !

Lors de la danse de Totori (littéralement, « l’enlèvement de la porte »), le dieu Tajikarao revient. Il est cette fois-ci affublé d’un masque rouge vif, symbolisant sa force immense. Il profite alors de l’opportunité précédente pour arracher les énormes rochers qui bloquent l’entrée. Ce faisant, il permet à la lumière d’Amaterasu d’illuminer à nouveau le monde.

Dans cet acte final, nous retrouvons le couple divin, Izanagi et Izanami, les créateurs du Japon et de nombreux dieux (dont Amaterasu). La danse symbolise un mariage amoureux et durable.
Pendant la danse, on les voit préparer et boire du saké tout en se jouant de petites farces innocentes. Ils sont en fin de compte tellement ivres, qu’ils descendent de la scène pour flirter avec quelques spectateurs chanceux.

L’époustouflante nature de la préfecture de Miyazaki

La gestion du temps libre était un des gros problèmes de cette mission de volontariat. Entre les (mi-adorables, mi-démoniaques) chiens, les tâches ménagères et la cloche à sonner, pas évident de trouver le temps de s’échapper. J’ai finalement appris à me détacher de tout ça, et à prendre des après-midi, voire des journées off, et à les laisser se débrouiller avec leurs problèmes. Aux grands maux les grands remèdes.

Grand bien m’en a prit, car grâce à cela j’ai pu grimper en haut du mont Aso, le plus vaste volcan actif du Japon. Du haut de ses 1592m, on profite d’une magnifique vue sur les préfectures qui l’entourent. Mais c’est surtout pour ses paysages superbes que j’ai effectué l’ascension ! Au-delà de la vue plongeante sur son cratère fumant, j’ai pu y découvrir des formations rocheuses uniques, et des couleurs qui rappellent celle d’une autre planète. Mettez votre scaphandre, et prenez une bonne bouffée d’oxygène pour vous prémunir des vapeurs de soufre.

Après une telle ascension, rien de tel qu’un bon repas. Pour cela, j’ai rejoint le petit village de Minamioguni, car je voulais tester son café : le takenokuma café (littéralement « l’ours des bambous »). Il s’agit d’un petit café moderne à l’ambiance épurée, qui comporte une partie à l’extérieur dans laquelle coule une petite rivière.
On peut y déguster des onigiris premiums accompagnés de boissons chaudes de grande qualité, le tout en profitant d’une vue superbe sur les rizières de la vallée.

Déroule pour en savoir plus sur l’Onigiri : un pilier de la culture japonaise

L’onigiri, c’est un peu le sandwich du Japon. Ces boules (ou triangles) de riz, souvent enrobées d’une feuille d’algue nori, sont garnies d’ingrédients variés : saumon grillé, prunes salées (umeboshi), thon mayonnaise, ou même des garnitures plus modernes comme du poulet karaage. Simple, pratique et délicieux, l’onigiri est le compagnon idéal des pique-niques, des trajets en train ou des pauses déjeuners rapides.

Mais saviez-vous que l’onigiri a une histoire millénaire ? On en trouve les premières traces au 8ᵉ siècle, mentionné dans des récits historiques. Plus précisément, les soldats transportaient des boulettes de riz pour les manger facilement en campagne. À l’époque, il n’était pas encore enrobé de nori, mais on l’utilisait déjà pour sa praticité.

Dans la culture japonaise, l’onigiri n’est pas juste un en-cas, c’est une icône. Les mamans en préparent pour leurs enfants avec amour. On en trouve dans tous les konbini (supérettes japonaises), alignés dans des rangées impeccables. Dans les films ou l’animation japonaise, on le retrouve systématiquement.

Contrairement à son cousin le sushi, l’onigiri ne se prend pas au sérieux. Pas besoin de baguettes ou d’étiquette ; on le dévore comme il vient, à pleines mains. Bref, l’onigiri, c’est le snack réconfortant par excellence : simple, authentique et toujours là pour vous.

Pour se purifier après le repas, rien de tel qu’un bon onsen. J’ai rejoint le village d’Oguni, qui borde la rivière Shigase. Le village donne l’impression d’avoir perdu sa gloire d’antan, mais les bâtiments un peu décrépis renvoient tout de même une atmosphère agréable. Ils m’ont un peu fait penser à la ville thermale du voyage de Chihiro. (J’avais réussi à ne pas placer des références Ghibli jusqu’à maintenant, mais j’ai mes limites.)
A Oguni j’ai trouvé un onsen publique caché, gratuit par ailleurs, en bordure de la rivière. Une petite pépite !

Pour finir, malgré la saison hivernale, j’ai vraiment adoré l’ambiance des paysages de la préfecture de Miyazaki. Les forêts, qui comportent beaucoup d’essences d’arbres pérennes, gardent une couleur verte profonde toute l’année. L’hiver, les montagnes se couvrent de neige, et la brume vient en coiffer les sommets.
Malgré la température glaciale, j’ai trouvé beaucoup de plaisir à me balader sur les chemins et le long des rizières du village, entouré de ce panorama envoûtant.

Fin du volontariat, on débarque à Honshū

Après Okinawa, c’est maintenant Kyūshū que je peux cocher dans la check-list des régions du Japon à explorer. J’y aurai passé un peu plus de temps que prévu dans mon planning initial, mais je suis heureux de l’avoir fait. Entre la chaleur du four à bois d’Ibiza, et les montagnes mystiques de Takachiho, j’ai l’impression d’avoir tiré le meilleur de cette île, souvent boudée par les touristes par manque de temps.

Il est maintenant temps pour moi de prendre le shinkansen pour la première fois, pour rejoindre la plus grande île du Japon : Honshū. Cette île abrite les plus célèbres villes du pays, et promet de belles aventures.
Cela dit, pour le moment, je rejoins Hiroshima. J’ai prévu d’y passer un peu plus de 5 jours, et j’ai hâte de découvrir cette ville chargée d’histoire. À bientôt pour l’article dédié !

Bye bye !

またね
Antoine