Toi qui viens de cliquer pour lire cet article. Oui, toi. J’ai un message pour toi. Tout d’abord, je te remercie chaudement, mais surtout, je t’invite à prendre quelques grandes inspirations lentes. Relâche la tension dans tes épaules, desserre la mâchoire, redresse toi sur ton siège…
Entoure-toi ensuite de tes plantes favorites, mets toi une petite musique d’ambiance et laisse toi entraîner dans ce carnet de voyage dédié à deux semaines d’une tranquillité rare.
Je t’emmène à Motoyama, une ville située en plein cœur de l’île de Shikoku. Nichée entre les montagnes, traversée par une rivière aux eaux limpides, j’y ai passé mon temps à me promener et à planter des tomates. Malgré ce programme succinct, cette expérience s’est avérée surprenante et enrichissante à bien des égards. Tu veux savoir pourquoi ? Prends une dernière inspiration. Prêt(e) ? On y va.
Motoyama, une ville paisible qui cache un passé guerrier
C’est au cœur des montagnes de Shikoku que se niche le village de Motoyama.
La ville tire son nom d’un ancien clan samouraï, les Motoyama. Puissante famille féodale, ils ont dominé la région en prenant le contrôle des territoires et des châteaux locaux. Ils subissent finalement une série de défaites contre le célèbre clan Chōsokabe, qui deviendra le gouvernement de la région.

Aujourd’hui la ville compte environ 3500 habitants, et comme beaucoup de régions de la campagne japonaise, cette population s’effrite d’année en année. Le bourg a pourtant beaucoup à offrir grâce à une nature variée et préservée.
La rivière Asemi traverse la partie d’habitation principale. Elle permet de s’adonner aux sports aquatiques tels que le canoë, le kayak et le rafting. Les pêcheurs y viennent également nombreux.

La ville dispose également d’un beau parc dédié aux rhododendrons, mais qui comporte aussi de jolis cerisiers, qui commençaient tout juste à fleurir lors de ma venue.
Planter des tomates : le secret pour une vie épanouie ?
Mon volontariat de deux semaines consistait à aider mon hôte dans sa ferme de tomate. Moi qui ne connaissait que les bases théorique de la culture de ce fruit, j’ai appris énormément de choses à ce sujet au côté de ce dernier, monsieur Yoshinaga.

La tomate est un fruit qui est au final assez récent dans les habitudes de consommation des japonais, qui ne la consomment réellement que depuis une trentaine d’années. Yoshinaga-san cultive la tomate en agriculture biologique, sous serre. De plus, il a installé ses serres en altitude, dans la montagne de Motoyama. La température y est donc plus fraîche, et cela implique une saison décalée pour la fruitaison. Ainsi, il peut les récolter plus tardivement.
En conséquence de cette récolte tardive, Yoshinaga-san récolte le gros de ses tomates en Septembre, ce qui correspond à la période ou les supermarchés sont le plus appauvris dans ce fruit. Il peut donc les vendre à bon prix, et s’assurer un salaire confortable. Il a mûrement réfléchi toute cette organisation, car une des particularités de ce fermier… c’est qu’il ne veut pas trop travailler !
Le temps de travail est en effet d’environ 3h par jour. À 12h, fin de la journée, et place au temps libre jusqu’au lendemain ! Et ce, même en été qui est la période la plus chargée. L’hiver, Yoshinaga-san part en vacances à l’étranger, pour revoir les volontaires venus dans sa ferme…
Autrement dit, grâce à une organisation et une réflexion rigoureuse en amont, Yoshinaga-san s’assure des revenus pour l’année tout en se dégageant beaucoup de temps libre pour ses activités favorites… pas mal non ?


Du temps libre, oui, mais pourquoi faire ?
En arrivant sur place, j’ai tout de suite compris que je mettais les pieds dans un lieu unique. Premier indice : mon logement qui n’était rien d’autre… qu’une serre.

Habiter dans une serre, finalement, c’est plutôt confortable, pourvu qu’elle soit bien aménagée. Et heureusement, mon hôte a bien fait les choses : poêle pour se réchauffer lors des soirées fraiches, cuisine équipée tout confort, douche et toilettes,…
La serre comporte même une pièce isolée qui sert de chambre à coucher. Au final, si on oublie que seule une fine bâche en plastique me sépare de l’extérieur, on pourrait se croire dans un logement normal !


Côté gastronomie, le midi nous prenons généralement le déjeuner dans un restaurant local de Motoyama, et le soir, je prépare mon dîner. De nombreux ingrédients m’ont cependant été donnés par mon hôte, qui cultive ses propres champs, et même une rizière de façon à subvenir à ses besoins et ceux de sa famille sur une année.
D’ailleurs, en face de la serre se tiennent un petit poulailler et ses 7 habitantes. 7 œufs par jour, c’est quand même bien pratique. Cela permet à mister-Yoshinaga, qui en mange deux par jour, de les partager avec ses volontaires.

Mais pourquoi donc Yoshinaga-san mange-t-il ses œufs avec une telle assiduité ? Vous l’aviez vu venir, ou pas, ce fermier tempéré est un fervent pratiquant de crossfit ! Il est même dans le top 10 japonais de sa tranche d’âge sur certaines compétitions. Et comme il est fan de la discipline, il m’a convié à la pratiquer avec lui une semaine.
Moi qui suis un grand sportif (ahem ahem), j’ai, contre toute attente, plutôt apprécié l’expérience.
Si ça vous intéresse, vous pouvez trouver son témoignage et ses motivations à commencer cette discipline sur le site du club (en anglais).
En somme, travail mesuré, alimentation bio et saine, sport régulier. Ne sont-ce pas là les ingrédients de base d’une vie parfaitement équilibrée ? N’exagérons rien. A moins que…
Redécouvrir l’essentiel : entre balades et culture locale
Je suis convaincu qu’un contact direct avec la nature est nécessaire pour garantir le bien-être. Qui n’a jamais ressenti de sérenité en se promenant le long d’une belle rivière ou à flanc de montagne ? (Cet article commence à un peu trop ressembler à une chanson de Tryo…)
À ce niveau-là, j’y ai vraiment trouvé mon compte. Les balades autour de Motoyama sont vraiment plaisantes, entre visite des petits magasins locaux en ville et marches le long de la rivière dans la vallée. J’ai également adoré discuter, malgré mon japonais médiocre, avec les habitants qui ne voient pas beaucoup d’étrangers.


J’ai également eu le plaisir de randonner le long des chemins vers le sommet local, le mont Shiraga, littéralement « cheveux blancs », en référence à une divinité, souvent représentée comme un vieil homme aux cheveux blancs, vénérée dans la région.
La neige recouvrait encore les chemins, mais la vue, l’onigiri suivi d’une petite sieste au sommet valaient vraiment le coup.
Du haut de cette montagne, on peut voir sur la pente la fameuse forêt des os blancs. Cette appellation poétique décrit les cyprès japonais (hinoki) âgés de 150 à 200 ans qui, après avoir été desséchés par les vents, se dressent tels des squelettes blanchis, créant un paysage saisissant.

Pour finir, j’ai eu la chance de pouvoir visiter un sanctuaire chargé d’histoire, bien connu des habitants du village. J’adore ce genre d’endroit, car il n’y a vraiment aucun touriste, j’étais seul avec une personne rencontrée sur place. Ce sanctuaire était ainsi rempli de petits lieux à côté desquels je serai complètement passé sans explication.

Par exemple, la pierre trouée du sanctuaire, dotée de pouvoirs qui permettent de renouer ou de couper des relations. Il suffit de prier et de penser à la personne, puis de passer soit dans un sens, soit dans l’autre, pour activer son pouvoir.

Le sanctuaire comporte également une source sacrée, ouverte au public de Motoyama une fois par an. La légende raconte que le chien en fin de vie du premier prêtre l’a découverte, et y ayant bu a retrouvé sa première jeunesse. La source est depuis célèbre pour guérir les maladies.

Pour finir cette visite, j’ai eu la chance de passer un moment à prendre le thé (préparé grâce à l’eau de la source magique) avec la prêtresse du sanctuaire. Ce genre de moments est toujours très touchant pour moi, car il me confronte à des univers et des philosophies qui me sont totalement inconnues.
À cette occasion, on m’a d’ailleurs très gentiment expliqué des tonnes de choses que je ne connaissais pas sur l’histoire et les règles à respecter dans les sanctuaires, malgré mes bases théoriques.
Prêts pour un petit quizz ?
Question 1 : Pourquoi des graviers recouvrent-ils souvent l’allée principale des sanctuaires ?
Réponse 1
Parce que les dieux (kami) sont réputés pour ne pas faire de bruit en marchant. Le son des pas sur les graviers permet ainsi de différencier les humains des divinités. Cela renforce aussi l’aspect sacré du lieu et rappelle à chacun qu’il entre dans un espace spirituel.
Question 2 : Pourquoi faut-il passer sous le tori bien à droite ou bien à gauche, et commencer avec la jambe du même côté ?
Réponse 2
Le torii est considéré comme la frontière entre le monde des humains et celui des divinités (kami). Ainsi, il ne faut pas marcher au centre : Le milieu du passage est réservé aux divinités.
Commencer avec la jambe correspondant, permet d’orienter naturellement son visage et son torse vers le centre du torii, donc en direction du kami. Cela marque le respect envers la divinité. À l’inverse, si l’on faisait le mouvement contraire, on tournerait le dos au kami et on lui montrerait ses fesses, ce qui serait considéré comme impoli et irrespectueux.
Question 3 : Si vous devez vous purifier les mains et la bouche aux fontaines à l’entrée, quel est le bon ordre pour le faire ?
Réponse 3
Voici l’ordre à suivre en prenant en compte que l’eau de purification ne doit jamais retomber dans la fontaine, car elle est destinée à purifier et ne doit pas être souillée.
- Prenez la louche avec la main droite et versez de l’eau sur votre main gauche.
- Changez de main, puis versez de l’eau sur votre main droite.
- Versez un peu d’eau dans votre main gauche, puis rincez votre bouche (sans toucher la louche avec votre bouche et sans recracher dans la fontaine). Recrachez discrètement sur le côté.
- Nettoyez une dernière fois votre main gauche.
- Redressez la louche pour laisser l’eau s’écouler sur le manche, afin de la purifier pour la personne suivante.
Alors ? Vous avez eu tout bon ?
Toutes les bonnes choses ont une fin : on embraye vers la suite
Avez-vous déjà entendu parler d’Animal Crossing (dont le titre est « La forêt des Animaux » en Japonais) ?
Ce jeu vidéo très populaire nous permet d’incarner un petit animal trop mignon et de vivre sur une île en au rythme des promenades, de la pêche, de la cueillette… Bref c’est la vie que j’ai choisi de mener pendant ces deux semaines à Motoyama et franchement, c’était vraiment une bouffée d’oxygène qui m’a fait le plus grand bien !
De par son rythme particulier, cette expérience a été une source de réflexion inattendue :
Nous sommes souvent absorbés par les projets futurs, nos perspectives, nos ambitions. Il est bien sûr sain et naturel d’avoir des objectifs de vie et de vouloir les atteindre. Mais j’ai également réalisé que, ce faisant, il pouvait être facile de passer à côté des petits bonheurs du quotidien, et de la beauté des choses qui sont juste sous nos yeux. Merci d’avoir assisté à mon Ted Talks, « la sagesse de la tomate ».
Pour la suite des événements, je me dirige vers une autre ferme située au nord d’Okayama. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre, mais ce sera forcément complètement différent. Et tant mieux ! Il est toujours bon de changer d’air.
またね
Antoine