Konichiwa mina-san ! J’espère que vous allez bien et que l’arrivée des beaux jours vous apporte son lot de joie.
Après avoir quitté ma serre-maison à Motoyama, j’ai repris le train pour rejoindre la région d’Okayama pour 10 jours dans la préfecture du même nom. J’y ai passé une grosse semaine entre visite et volontariat.
C’est une préfecture qui passe souvent inaperçue auprès des touristes, mais qui a beaucoup de choses à offrir. Je vous y emmène profiter des premiers jours de printemps !
Profiter des cerisiers fleuris à Okayama
C’était un pari : pour éviter les foules dans les grandes villes touristiques en pleine floraison des sakuras, j’ai choisi de passer cette période dans une préfecture plus éloignée. Au final, je suis très heureux de cette décision, car la ville d’Okayama possède de beaux espaces où on peut profiter des fleurs iconiques à l’abri des hordes de voyageurs.
Cela dit, il ne faut pas être naïf, les japonais sont les premiers à se presser sous les cerisiers pour s’adonner au hanami (littéralement l’observation des fleurs). Le principe est simple : étendre une grande bâche (souvent tôt le matin pour réserver le meilleur emplacement), préparer un bon repas, et le manger au soleil sous les pétales rose pâles.

Outre ses belles allées de cerisiers, Okayama est une ville célèbre pour son jardin, le Koraku-en. Il fait en effet partie des trois plus beaux jardins du japon, mais je serai bien en peine de vous dire qui est à l’origine de ce classement. En-tout-cas, il offre des paysages magnifiques, tout en lignes épurées et en couleurs apaisantes. On y retrouve bien sur les fameux cerisiers, qui font le bonheur des couples et des familles venus passer un moment ensemble.

Le jardin est juxtaposé au château d’Okayama, lui aussi célèbre dans la région. Il est surnommé le château du corbeau en raison de son extérieur en planches noires. Il comporte cependant de belles dorures, qui lui donnent un aspect presque rutilant, et pour cause : il a été détruit au cours de la Seconde Guerre mondiale puis reconstruit en 1966.

La région est également célèbre pour être le berceau de la célèbre légende de Momotaro ! On y retrouve ainsi plusieurs lieus du conte, comme le château du démon, mais aussi le Kibitsu Jinja dont le couloir est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Attendez…comment ça, vous ne connaissez pas la légende de Momotaro ? Elle est pourtant racontée à tous les enfants japonais dès leur plus jeune âge…
Fais toi un thé vert et déroule pour plonger dans la légende de 🍑Momotaro 🍑
Il était une fois, dans un petit village du Japon, un vieux monsieur et une vieille dame qui vivaient modestement, mais heureux.
Tous les jours, le vieil homme allait couper du bois dans les montagnes, tandis que sa femme lavait le linge dans la rivière.
Un jour, alors que la vieille dame était au bord de l’eau, elle vit un énorme fruit flotter doucement sur le courant. C’était une pêche gigantesque, brillante et parfaitement ronde.
— Quelle chance ! s’exclama-t-elle. Je vais la ramener à la maison et la partager avec mon mari.
Elle la ramena donc chez eux, et alors qu’ils s’apprêtaient à la couper pour en manger, la pêche s’ouvrit toute seule !
À leur immense surprise, un petit garçon en jaillit, en parfaite santé, souriant comme le soleil.
— Je viens du ciel, dit l’enfant. Les dieux m’envoient pour vous tenir compagnie.
Le vieux couple, qui n’avait jamais eu d’enfants, fut si heureux qu’il l’éleva comme leur propre fils et l’appela Momotarō, ce qui signifie « le garçon né d’une pêche » (momo = pêche, tarō = prénom masculin traditionnel).
Momotarō grandit vite. Il était fort, intelligent et courageux. Un jour, il apprit que des oni (démons) terribles vivaient sur une île lointaine, l’île des démons (鬼ヶ島, Onigashima).
Ces démons pillaient les villages, emportaient les trésors et faisaient souffrir les gens.
— Je vais partir les vaincre ! déclara Momotarō.
Sa vieille mère lui prépara alors des kibi dango (gâteaux de millet), réputés pour donner de la force. Elle les mit dans une pochette, et Momotarō se mit en route.
En chemin, il rencontra un chien, affamé.
— Où vas-tu, Momotarō ? demanda le chien.
— À Onigashima, pour vaincre les démons.
— Donne-moi un kibi dango et je viendrai avec toi !
Et ainsi le chien le rejoignit. Plus loin, ils rencontrèrent un singe, puis un faisan – tous deux affamés eux aussi. À chaque fois, Momotarō partagea ses gâteaux, et chacun devint son fidèle compagnon.
Quand ils arrivèrent sur l’île, les quatre amis mirent au point un plan de bataille.
Le faisan vola dans les airs pour distraire et picorer la tête des démons.
Le singe grimpa sur les toits pour semer la pagaille.
Le chien bondit et mordit les démons.
Et Momotarō, avec sa force incroyable, se fraya un chemin jusqu’au chef.
Après un rude combat, les démons, battus, ligotés et terrifiés, implorèrent :
— Pardon ! Nous ne ferons plus jamais de mal à personne !
Ils remirent alors à Momotarō tous les trésors qu’ils avaient volés.
Momotarō retourna chez lui avec ses compagnons et de nombreux coffres remplis d’or et de soieries. Le vieux couple l’accueillit les larmes aux yeux.
Et depuis ce jour, plus jamais un démon n’osa troubler la paix des villages.
Momotarō et ses amis vécurent heureux, entourés de gratitude et de respect, car ils avaient non seulement combattu les méchants, mais aussi fait preuve de générosité et de courage.
Petite morale japonaise :
« Avec du courage, du cœur, et des amis fidèles, même les plus grands défis peuvent être vaincus. »
FIN
Un volontariat fort sympathique, mais qui m’a posé des problèmes éthiques
Après ce passage express par Okayama, j’ai directement rejoins les lieux de mon volontariat. Initialement prévu sur 10 jours, j’y suis finalement resté 3 jours de moins que prévu.
Ce volontariat en wwoofing consistait à aider un couple de retraités dans leurs jardins et pour leurs tâches quotidiennes. J’ai ainsi, en vrac, coupé du bois, préparé les rizières, déménagé des matériaux… C’était très intense et les horaires de travail n’avaient rien à voir avec mon expérience précédente à Motoyama. (Mais peut-on vraiment faire mieux à ce niveau-là ?)
La semaine a aussi été heureusement ponctuée de très bons moments ! Par exemple un barbecue Hanami sous les cerisiers, en présence des fermiers du village. Ou encore un événement au cours duquel un agneau venu d’Hokkaido a été grillé en brochettes, pour notre plus grand plaisir.


Un point m’a cependant plutôt gêné, ce qui m’a poussé à partir un peu plus tôt que prévu.
Les missions plutôt difficiles n’était pas agrémentées de pauses, ni d’aide de la part des hôtes. Par ailleurs, là où ce volontariat était plutôt présenté comme une ferme, il s’agit au final uniquement de la production privée de ce couple.
Ainsi, au bout du 200e coup de houe dans la boue de la rizière, j’en suis venu à me demander si je souhaitais vraiment continuer à me tasser les lombaires pour le bénéfice personnel de quelqu’un. J’ai ainsi réalisé que ce qui me motivait dans ces missions de volontariat, c’était en fait le sentiment de faire bénéficier une communauté. Mon travail prend alors un sens à mes yeux, et la difficulté des tâches est ainsi contrebalancée par la satisfaction d’offrir de bons légumes ou services aux locaux.
J’ai donc demandé à partir un peu plus tôt. J’avais ainsi cette désagréable impression de passer à côté des beautés de la région, sans la satisfaction du travail accompli. Cela a été plutôt bien accueilli par mes hôtes, et je leur suis toujours très reconnaissant pour cette semaine ensemble.

Un jour à Osafune, la ville du Katana
Grâce à ce temps libre fraîchement acquis, j’ai décidé de visiter une ville qui me tenait à cœur : Osafune. Cette ville est le berceau de la forge de katanas au Japon, depuis l’époque des samouraïs jusqu’à aujourd’hui.
Elle comporte de fait un musée dédié aux katanas. Ce dernier vaut vraiment le coup d’être visité. Il abrite de fait des modèles absolument magnifiques, forgés par les grands-maîtres de l’époque. J’ai été abasourdi par la maîtrise de cet art, tant dans la confection des lames que dans les détails ornementaux des poignées et des fourreaux.

Aujourd’hui, les maîtres-artisans forgerons de la ville perpétuent cet art ancestral. Malgré l’interdiction pour les japonais de posséder un katana, ils fabriquent toujours ces derniers à la demande. Ces pièces sont plutôt destinées aux temples et aux musées du pays. On peut même voir ces artisans au travail dans la partie annexe du musée, qui comporte différents espaces dédiés à la forge, à l’affûtage, à la décoration, etc…

Vous commencez à connaître mon penchant pour les lieux un peu plus confidentiels. Cette journée n’a pas fait exception, car j’ai déniché une petite pépite : une forge tenue par un maître-artisan forgeron et ses disciples qui ouvre ses portes aux visiteurs le weekend sur les horaires du midi.



Ni-une-ni-deux, j’ai toqué à la porte. J’ai alors pu assister à une démonstration unique, seul avec les artisans… ou pas ! En effet, un guide japonais local y a emmené au même moment un groupe d’une quinzaine d’italiens venus visiter la région. Ô désespoir, me voilà donc coincé derrière un baril, cerné par les touristes. On ne peut pas gagner à tous les coups…
En me contorsionnant un peu, j’ai tout de même pu profiter du magnifique spectacle de la naissance d’un katana, dans les mains d’un maitre-forgeron. Des photos dont je ne suis pas peu fier !
2 jours à Kurashiki, la ville des samouraïs
Qui dit katana dit naturellement samouraï ! Ces légendaires guerriers japonais ont fondé une ville, Kurashiki, en plein cœur de la préfecture d’Okayama. J’y ai passé deux jours à flâner dans ses ruelles superbes, qui offrent une véritable plongée dans le temps.


Le centre-ville comporte un joli canal bordé de saules pleureurs et de cerisiers, sur lequel voguent de petits bateaux de plaisance.
La saison des cerisiers entrait alors dans son dernier tiers. Pour en profiter, je suis à nouveau sorti des sentiers battus pour rejoindre un parc en périphérie du centre ville. J’y ai trouvé de magnifiques espaces bordés de sakura, et un temple quasiment désert qui m’a offert en prime une belle vue sur la ville.



Le lendemain, j’ai poussé le vice un peu plus loin en m’éloignant vers le Nord, pour rejoindre une zone qui me paraissait prometteuse. Et, en effet, les cerisiers étaient au rendez-vous. J’ai été plongé dans une ambiance féerique grâce à de beaux arbres fleuris le long d’une rivière indolente. Pendant ce temps les habitants de Kurashiki profitaient de l’ombre pour s’adonner au Hanami.

Le mois d’avril s’approchait alors de sa première quinzaine, et les pétales de cerisiers commençaient doucement à se détacher pour voler au gré du vent. Quand j’ai demandé à mon précédent hôte pourquoi les japonais étaient aimaient tant les fleurs de cerisiers, il m’a répondu : « Parce qu’elles sont Isagiyoï« .
J’étais tout bonnement incapable de traduire ce mot en anglais ou en français, mais après quelques recherches je crois en avoir compris l’essence, que je vous partage ici.
Isagiyoi s’écrit avec le caractère 潔, qui signifie à la base : pur, propre, sans souillure. Mais dans son usage en tant qu’adjectif, isagiyoi dépasse largement la propreté physique.
Voici ses sens figurés principaux :
- Faire face à la réalité ou à la fin avec dignité, par exemple, accepter une défaite, une séparation ou la mort sans résister, avec calme et honneur.
- Agir avec droiture, sans hypocrisie ni attachement et faire ce qui est juste ou noble, même si c’est difficile.
- Couper court sans traîner, comme par exemple rompre une relation, abandonner une position ou une idée sans tergiverser ni rancune.
- Pureté morale ou esthétique : être clair dans ses intentions, ne pas s’accrocher à ce qui est déjà fini.
Ainsi quand on entend ‘Les fleurs de sakura sont « Isagiyoi », on traduirait littéralement en français par « Les sakuras sont dignes / pures », mais en réalité c’est l’idée que ces fleurs ne prennent pas leur temps pour faner. Au contraire, elles tombent subitement, dans une beauté brève mais totale.
En se détachant avec cette noble simplicité, elles assument d’être éphémère et s’en vont sans regret, dans leur pleine beauté.
Au Japon, on admire les choses qui disparaissent rapidement. Ce n’est pas vu comme une perte, mais comme une manifestation de la beauté même. Le mot Isagiyoi est donc profondément lié à l’idéal japonais. Le comprendre et incarner ces valeurs dans la vie de tous les jours, c’est embrasser une partie essentielle de la culture du pays.
En avant pour un mois de volontariats : ça va dépoter !
C’est sous les pétales tombants que je commence une nouvelle étape du voyage. Pendant un mois, je vais m’investir, aux côtés de Maria, dans pas moins de trois volontariats dans trois préfectures différentes !
Nous commençons par une semaine à la ferme dans la préfecture de Wakayama, une préfecture préservée du tourisme, mais qui déborde de trésors naturels et culturels. Pas de divulgâchage ici, mais la suite s’annonce épique.
D’ici là, portez vous bien. Bon courage à ceux qui sont allergiques aux premiers pollens. Pour les autres : joyeux printemps !
またね
Antoine