Bonjour à toutes et tous ! J’espère que vous allez bien et que vous ne vous êtes pas découverts d’un fil en Avril. Vous pouvez désormais faire ce qu’il vous plaît, et ça, c’est chouette.
De mon côté, j’ai appliqué cet adage dès mon départ de la préfecture d’Okayama, pour retourner dans le Hub Osaka-Kyoto quelques jours, pour reprendre un train et mes esprits. J’y ai retrouvé Maria pour quelques visites avant d’embrayer vers un nouveau volontariat d’une semaine dans une préfecture trop méconnue : Wakayama.
Entre montagnes verdoyantes, ferme tout droit sortie des années 60, mer chatoyante et temples mystiques, je vous emmène dans ce carnet de voyage explorer l’extrême sud de l’île principale japonaise.
Sakaï et la forge de couteaux japonais
En revenant de la préfecture d’Okayama, il est quasiment obligatoire de repasser par la géante Osaka pour ensuite re-bifurquer plus au Sud dans la région. J’en ai profité pour aller explorer la banlieue sud de la Grande Colline (traduction littérale d’Osaka). Celle-ci abrite un savoir-faire mondialement reconnu : la forge de couteaux japonais. Pour y aller, j’ai traversé quelques quartiers extrêmement calmes où les touristes ne s’aventurent pas. Un vrai plaisir pour les yeux !
A l’instar d’Osafune pour les katanas, la ville de Sakaï est habitée par des maîtres artisans forgerons qui travaillent sans relâche pour fournir les meilleurs couteaux aux chefs du Japon et du monde. Et ce n’est pas une exagération : plus de 90% des couteaux japonais du pays sont fabriqués dans cette petite zone. De même, tous les maîtres sushis sans exception utilisent les couteaux forgés à Sakaï.
Vous vous imaginez bien que je ne pouvais pas ignorer une telle pépite. J’ai donc pris mon courage à deux mains pour pousser la porte des forges de la ville, qui ne sont habituellement pas visitables.
Il parait que la chance se provoque. En-tout-cas, elle m’a souri puisqu’un artisan forgeron, un peu réticent au début, a finalement accepté de me laisser l’observer et même prendre des photos de son travail. J’ai essayé de retranscrire dans ces images le son, la chaleur, les odeurs de la forge. Je vous laisse apprécier l’ambiance qui en résulte.






Après ce moment exceptionnel, direction le petit musée du couteau de Sakaï. Plus qu’un musée, c’est en fait un magasin tenu et géré par les forgerons eux-mêmes, qui leur permet de bénéficier d’un point de vente en direct avec une meilleure visibilité.
J’y ai rencontré Eric, forgeron français venu pratiquer son art à Sakaï. La barrière de la langue ayant sauté, je l’ai assailli de questions sur son métier et sur les spécificités des couteaux japonais. Une visite que je vous recommande fortement si vous êtes de passage à Sakaï, et intéressés par cet artisanat.






Kyoto et ses pépites cachées
Avant de plonger dans les rizières pour une semaine agricole, j’ai rejoint Maria pour passer 3 jours dans la non moins iconique Kyoto.
Étant donné que j’y avais déjà passé quelque temps avec ma petite sœur, mon objectif était d’explorer un peu plus en profondeur les petits lieux moins connus. C’était, en fin de compte, presque une nécessité étant donné que nous étions encore en pleine floraison des cerisiers, et donc que tous les autres lieux célèbres étaient noirs de monde.

Pour commencer, nous sommes partis explorer quelques petits sanctuaires et temples dans la région Nord de la ville. Dans l’ordre : Le Suika Tenmangu, le Myōren-ji, l’Uhō-in et le Daihōon-ji. Quasiment sans autre visiteur, nous avons profité d’une ambiance superbe entre cerisiers et feuilles d’érables d’un vert éclatant.







Nous avons ensuite poursuivi la balade dans le quartier de geisha de Kamishichiken, juste à côté. Ce quartier, malgré sa proximité au célébrissime temple Kitano Tenman-gū, reste extrêmement calme et authentique. Avec un peu de discrétion et de patience, il est plutôt aisé de repérer les maisons de geishas, et les déplacements réguliers des maïkos (les apprenties geishas) pour se rendre chez leurs clients.
Les geishas sont un héritage historique et culturel magnifique de la ville de Kyoto, mais elles sont récemment souvent victimes des mauvais comportements des touristes qui les mitraillent de photos, voire qui les empêche de se déplacer dans le cadre de leur travail. Par respect pour elles, je n’ai pas sorti mon appareil photo dans ce quartier, il vous faudra le voir de vos yeux lors de votre prochain voyage au Japon.
Mais au fait, en quoi consiste vraiment le travail d’une geisha ?
Quand on entend « geisha », beaucoup d’images viennent à l’esprit : kimonos somptueux, visages maquillés de blanc, mystère… Mais que fait réellement une geisha quand elle part travailler dans les rues de Kyoto ?
Le mot geisha signifie littéralement « personne d’art » (gei pour « art » et sha pour « personne »). C’est donc, avant tout, une artiste. Le métier de geisha est né au Japon au 18e siècle et existe encore aujourd’hui dans les quartiers traditionnels appelés hanamachi.
Le rôle d’une geisha est d’animer des soirées dans des salons privés ou lors d’événements culturels. Elle divertit ses invités par ses talents multiples :
- La musique : elle joue du shamisen et chante des chansons traditionnelles.
- La danse : lors de représentations très codifiées, elle raconte des histoires par le mouvement et l’expression du corps.
- La conversation : cultivée, élégante, pleine d’esprit, elle sait lancer des sujets, flatter sans lourdeur et maintenir une ambiance agréable.
- Le jeu : elle propose aussi des jeux d’adresse ou de mémoire, souvent agrémentés d’une touche d’humour.
Devenir geisha demande des années d’apprentissage. Les jeunes apprenties, appelées maiko à Kyoto, entrent souvent vers 15 ans dans les maisons de geishas. Elles y apprennent la posture, les arts traditionnels, le chant, la danse, les rituels du thé… Un entraînement intensif qui demande discipline, patience et passion.
Contrairement à une idée occidentale tenace, la geisha n’est pas une courtisane. Son art réside dans la subtilité, la grâce et le raffinement. C’est une figure de la culture japonaise qui a su traverser les siècles en conservant un lien fort avec l’élégance d’antan.
Rencontrer une vraie geisha aujourd’hui est un privilège rare, car leur monde reste discret, presque secret.
Après cette promenade, nous avons tout de même passé les portes du temple Kitano Tenman-gū, car après tout, pourquoi pas. Astuce : venir proche des horaires de fermeture permet de profiter d’une ambiance plus détendue !


Le lendemain, nous avons réservé une visite dans les jardins impériaux de Kyoto, Kyoto Gyoen. Ces jardins entourent le palais impérial de Kyoto, et ils furent le lieu de résidence des empereurs japonais pendant plus d’un millénaire.
La visite est gratuite, mais il faut la réserver à l’avance et le groupe est limité, ce qui permet de profiter de cet espace exceptionnel en toute tranquillité. En revance l’anglais n’est pas proposé, à part via un audioguide.











Pour finir cette exploration des recoins de l’ancienne capitale japonaise, direction le Nord Est de la ville. En remontant la touristique mais agréable « promenade des philosophes », on peut poursuivre l’exploration dans des ruelles beaucoup plus tranquilles. Quelques temples magnifiques sont nichés dans ces allées, comme le Konpuku-ji et sa mousse verdoyante, ou l’Enkō-ji et ses cerisiers pleureurs majestueux. Une visite qui coûte quelques centaines de yens mais qui vaut largement son coût selon moi.





Une semaine de volontariat à Wakayama : bienvenue chez A’yan et le Capitaine
C’est l’heure de s’enfoncer à nouveau dans la campagne ! Depuis Kyoto, nous sommes montés dans une série de trains locaux qui nous ont progressivement amenés dans la préfecture de Wakayama, plus précisément proche de la ville de Kushimoto.
Cette zone à la particularité d’être située à l’extrême Sud de l’île principale Japonaise. Un petit monument et une belle vue sur la mer nous l’ont d’ailleurs bien rappelé.

C’est dans cette région que nous avons fait la connaissance du couple de Mr et Mme Shibata. C’est cependant sous d’autres noms qu’ils se sont fait connaître. Notre hôtesse, pianiste & chanteuse retraitée, se fait appeler ‘Taïcho’ : le Capitaine. Son mari, quant à lui, préfère qu’on le nomme A’yan, référence à son accent du Kansai. (Je vous invite à relire l’article sur Osaka pour une petite leçon de Kansai-ben.)

Lors de notre semaine de travail, nous les avons aidés avec leur jardin, leurs poules, la cuisine, mais surtout leurs rizières. Ces dernières sont encore cultivées de l’ancienne manière, c’est-à-dire avec le renforcement des rebords à la main. De la même façon, les pousses de riz sont semées et replantées à la main directement dans le limon. D’après A’yan, cette méthode est amenée à bientôt disparaître complètement au profit des cultures plus industrielles.

Nous avons parfois reçu des missions plus originales, comme celle de cuisiner nos desserts préférés. Grâce au four d’un café géré par le Capitaine, j’ai pu réaliser ma (pas tant) célèbre tarte au citron meringuée. Maria s’est fendue d’une fournée de Κουλουράκια (biscuits Grecs de Pâques), qui ont rencontré tellement de succès qu’ils ont fini étiqueté et mis en rayon du supermarché de la ville ! On repassera sur les normes d’approvisionnement.



Au final ce volontariat, même si assez court, aura été un magnifique moment de partage et de chaleur humaine. La performance de piano-chanson du couple pour notre départ nous aura franchement émus.

Sanctuaires, temples, entre mer et montagnes
Pendant nos quelque temps libres, nous avons pu découvrir la très belle région de Wakayama. Première surprise : la mer y est absolument superbe ! Grâce à un courant marin chaud, elle abrite une riche vie sous-marine, et même des coraux florissants. La session snorkeling fut tout de même de courte durée, nous étions en Avril, il ne faut pas pousser…

La proximité avec la mer entraîne également des côtés moins positifs, comme le risque de Tsunami. Les maisons en front de mer sont ainsi, contrairement à ce qu’on connaît en France, peu à peu abandonnées. Les jeunes préfèrent acheter en hauteur. Les personnes âgées qui maintiennent leur résidence devant la mer parlent du prochain grand séisme à venir avec un mélange déconcertant d’humour et de fatalisme.
Il en résulte une atmosphère unique, de douce mélancolie.
« Le vent se lève, il faut tenter de vivre. »
Paul Valéry, le Cimetière marin

A l’abri du fracas des vagues, plus haut dans les montagnes de la préfecture, on trouve le lieu le plus célèbre de la région : le complexe de sanctuaires Kumano Sanzan. On y accède via une superbe ancienne route de pèlerinage en pierre, bordée de cèdre sacrés, la Kumano Kodo.

Lorsqu’on arrive en haut, on est accueilli par une vue grandiose sur la vallée au Sud. Au Nord se présente la superbe pagode Seiganto-Ji, derrière laquelle se dessinent la chute d’eau de Nachi.
La chute d’eau fait partie des plus hautes du pays, avec ses 133m de haut. Elle est par ailleurs sacrée, car elle représente le cœur grondant des montagnes environnantes.
Pour les croyants shintoïstes, qui prêtent une divinité à toutes les choses qui nous entourent, elle protège justement un dieu puissant. Une cérémonie s’y déroule ainsi en Juillet.

Cet espace de sanctuaires, temples et cascade, trônant en plein milieu des montagnes sauvages nous a vraiment laissé une forte impression. On ressent vraiment le mysticisme de ce lieu. Il est également possible de faire un vœu d’une façon originale : en l’écrivant sur une baguette en bois puis en brûlant cette dernière en haut de la montagne pour qu’il se réalise.

En redescendant de cette promenade magnifique, nous avons exploré la ville de Shingu. Elle aussi riche en histoire, elle comporte son lot de magnifiques visites, à l’instar du sanctuaire Kamikura Jinja. L’escalier en pierre abrupt qui y mène nous plonge dans un univers mystérieux et solennel, avant de profiter d’une belle vue sur le sanctuaire et la ville.



Avant de se diriger vers le prochain sanctuaire, nous avons flâné dans les ruelles tranquilles du quartier d’Ohashidori. L’occasion de déguster le premier Kakigori de l’année, dans une ambiance rétro super agréable.
Comment ça, on me dit dans l’oreillette que vous ne connaissez pas le kakigori ?
Le kakigori, c’est un dessert japonais à base de glace rasée, recouverte de sirop fruité ou de lait concentré. D’ailleurs, la distinction avec la glace pilée est essentielle.
Imaginez un nuage gelé, léger comme de la neige fraîche, parfumé au matcha, au citron, ou même à l’azuki (les fameux haricots rouges sucrés).
Parfait pour se rafraîchir quand le soleil commence à taper ! Installés sur de vieux bancs en bois, sous les devantures tricotées, on aurait presque eu l’impression d’avoir remonté le temps. Un petit moment suspendu avant de reprendre notre balade.

Après cette parenthèse glacée, nous rejoignons le Kumano Hayatama-taisha. Ce grand sanctuaire se trouve dans un bel espace vert et bordé de lanternes. Malgré sa distance avec la chute d’eau de Nachi, il fait néanmoins partie du même complexe de sanctuaires Kumano Sanzan. Par conséquent, il fait partie des points d’arrêts marqués par les marcheurs lorsqu’ils parcourent les chemins de pèlerinage de la région.






Pour finir cette journée, nous avons gravi les marches qui mènent aux ruines du château de Shingu. Finalement, il ne subsiste qu’assez peu de sa gloire d’antan, mais les lieux sont garnis de fleurs et de végétaux chatoyants. Au coucher du soleil l’ensemble nous a vraiment apaisé, en particulier les glycines qui commençaient à entrer dans leur période de floraison.




Merci Wakayama, en route vers Mie
Cette semaine à Wakayama est passée vraiment rapidement, mais elle m’a laissé d’excellents souvenirs. C’est sans doute une des régions qui m’a le plus plu jusqu’à maintenant. Sa géographie permet de profiter d’une mer superbe, de montagnes envoûtantes, et d’une culture riche.
Mais par dessus tout, la rencontre de notre couple d’hôte a été le plus beau moment de cette étape. C’est avec plaisir que nous y retournerions pour profiter de leur bonne humeur, leurs chansons et leur cuisine.
Pour la prochaine étape du voyage, nous prenons le train vers la préfecture de Mie. Située plus au Nord, elle abrite des savoir-faire incroyables, en lien avec la mer. Sans trop en dire, c’est une expérience que j’attendais avec beaucoup d’impatience !
D’ici là, portez vous bien, et profitez au maximum des beaux jours à venir.
またね
Antoine