Nous sommes le 26 décembre à l’heure où je commence cet article. Cela signifie premièrement que je suis encore en retard dans mon rythme de publication. Et secondement, et bien Joyeux Noël à toutes et tous ! J’espère que vous avez été sages, et que le Père Noël vous a bien gâté(e)s.
Cette année, j’ai fêté Noël d’une façon bien particulière, dans le restaurant japonico-espagnole Ibiza. Dans la campagne japonaise, les saisons revêtent une grande importance et rythment la vie locale. Je vous invite à revivre avec moi ces derniers jours au restaurant, au cœur des montages de Kyūshū, dans la préfecture de Fukuoka.
Observer le changement de couleur des feuilles à Ibiza
L’automne est une saison très appréciée par les japonais. Elle marque la fin des grosses chaleurs d’été, et annonce la fin de l’année. Elle comporte son lot de fêtes locales, une gastronomie plus riche et conviviale…Mais surtout le changement de couleur des feuilles.
Ce dernier point fait l’objet d’un grand engouement, presque autant que la floraison des cerisiers au printemps. Lorsque les feuilles changent de couleur, les japonais se dépêchent d’aller observer ce phénomène. Il est tellement important qu’un mot en japonais existe pour le décrire : 紅葉 : Kōyō (=littéralement « feuilles rouges »).
La star de l’automne est bien sûr l’érable japonais, le momiji. Ses feuilles rouges vif donnent l’impression que la montagne s’enflamme.
Le Ginko Biloba et ses feuilles caractéristiques offre lui un beau spectacle. On en retrouve souvent aux abords des sanctuaires ou des routes. Il est très apprécié au Japon où il représente un symbole de longévité, mais aussi de paix. (Après la Seconde Guerre mondiale, un ginkgo survivant de l’explosion atomique d’Hiroshima a été nommé ‘porteur d’espoir’).
Le changement de saison se fait également dans les assiettes. J’ai ainsi pu partager avec tout le monde le Nabe. Ce plat, consommé uniquement en fin d’année, comporte de nombreux légumes et de la viande coupée en tranches fines. Tout est mijoté dans une grosse casserole de bouillon disposée au centre de la table. Comme les ingrédients sont assez chers, ce plat n’est généralement consommé qu’en décembre, pour fêter la fin d’année.

Les japonais profitent de la période pour pêcher le yamame, le poisson des montagnes qui ressemble à une truite de chez nous. Les japonais les mangent fréquemment à la broche, grillés sur les braises.

Le mois de Décembre marque également la fin de la saison des kakis. La ville d’Ukiha est connue dans tout le japon pour ce fruit qui pousse en abondance aux alentours. Il remplit les étals des marchés de producteurs, et on trouve également de nombreux kakis sauvages lors des promenades en montagne.

Le restaurant Ibiza profite également de la fin d’année pour récolter ses champignons Shiitake. Les propriétaires ont ainsi ensemencé des bûches aux alentours du restaurant avec du mycélium. 4 ans plus tard, à l’automne, on peut récolter les premiers champignons. Ces derniers apparaissent ainsi dans le menu du restaurant, mais j’ai également eu le plaisir de les déguster lors des repas du soir.

Le mois de décembre marque d’ailleurs un gros ralentissement dans la fréquentation du restaurant. Les clients préfèrent en effet rester chez eux au chaud, et ont moins le courage d’affronter les routes de montagnes, qui sont parfois enneigées. Il arrive ainsi fréquemment que seuls quelques couverts soient servis les jours de semaines.
Cependant, le travail ne manque pas : préparation des ingrédients pour le weekend, mise en pot de moutarde, découpe des viandes et fumage… Je me suis impliqué dans divers aspects du métier !
Au final, même si la saison estivale est la plus énergique, et que les montagnes y sont verdoyantes, j’ai vraiment apprécié d’avoir l’occasion de m’immerger dans ce rythme hivernal plus lent. Cela m’a donné l’opportunité d’avoir une vision plus large de la vie de restaurateur dans la campagne profonde.

La vie dans les montages rythmée par les saisons
Lorsque Décembre pointe le bout de son nez tout froid, les feuilles commencent à bien tomber des arbres. Les japonais préparent alors la nouvelle année avec une série de rituels spéciaux. Certains se pratiquent à une échelle ultra-locale !
Par exemple, au mois de décembre, les quelques habitants du village rendent hommage à la divinité des environs : Yama no Kami (littéralement le Dieu de la Montagne).
J’ai eu la chance de pouvoir participer à cet événement unique. Nous avons commencé par nettoyer les pourtours du petit autel en plein cœur de la forêt. Un prêtre shinto venu spécialement pour l’occasion a réalisé quelques pliages de papiers traditionnels, appelés shide.
Puis, le prêtre a lu plusieurs prières destinées à attirer les faveurs du dieu, pour que la nature, et les récoltes soient favorables aux habitants.
Nous avons ensuite de nouveau rejoint l’autel dans la forêt pour le décorer, puis prier le dieu. Seuls les hommes du village peuvent s’y rendre.
Enfin, nous nous sommes réunis pour un banquet bien arrosé, afin de conclure la cérémonie. J’ai eu l’énorme chance de pouvoir filmer l’ensemble, je vous mets la vidéo ci-dessous.
Puisque nous parlons de temples, si vous venez au japon, vous remarquerez que des animaux bien spéciaux gardent les temples . Les plus courants sont les statues de chiens, appelées komainus (qui sont des cousins des Shīsā d’Okinawa). Dans certains temples on trouve à leur place des statues de renards, appelés alors koma-kitsune.

Déroule pour en savoir plus sur la différence entre les chiens et les renards
Les komainu et les koma kitsune sont deux types de statues gardiennes que l’on trouve fréquemment à l’entrée des sanctuaires shintoïstes au Japon, chacune ayant une apparence et une symbolique distinctes.
Komainu : Aussi appelés « chiens-lions », ces statues représentent des créatures mythiques ressemblant à des lions. Placées par paires, l’une a généralement la gueule ouverte (symbolisant le son « a ») et l’autre fermée (représentant le son « um »), ensemble formant le son sacré « aum », signifiant le début et la fin de toute chose. Leur rôle principal est de protéger le sanctuaire contre les esprits malveillants.
Koma kitsune : Ces statues représentent des renards, animaux étroitement associés au dieu Inari, divinité de la fertilité, du riz et de la prospérité. Les renards sont considérés comme les messagers d’Inari et sont souvent représentés tenant des objets symboliques dans leur gueule, tels que des clés ou des rouleaux, symbolisant l’abondance et la sagesse. Les sanctuaires dédiés à Inari, appelés « sanctuaires Inari », sont souvent gardés par ces statues de renards.
Lorsque la fin du mois approche, les japonais sortent les balais et les plumeaux ! Eh oui, contrairement à chez nous, le grand ménage ne se fait pas au printemps mais en fin d’année ! Tout est nettoyé, balayé, astiqué, kaz la toujou penpan. L’objectif est de commencer l’année avec une maison impeccable ! Encore plus qu’en France, le nouvel an symbolise un vrai nouveau départ dans la vie des japonais, qui ne laissent ainsi rien au hasard.
Il y a beaucoup de choses à dire sur la fin d’année au Japon, je traiterai ce sujet plus en profondeur dans le prochain article.
En revanche, par rapport au monde occidental, s’il y a bien une fête qui n’est pas très importante au Japon, c’est Noël. Le christianisme, bien que présent au Japon, reste assez anecdotique. Noël se retrouve donc privé de sa signification religieuse, et se transforme en fête familiale.
Tout le monde partage ainsi un bon repas à la maison, devant la TV. Les couples en profitent pour sortir au restaurant ou partager un gros bucket de KFC.
Noël et Poulet frit
Au Japon, Noël a pris une tournure unique et plutôt inattendue. Cette fête est étroitement liée… au poulet frit, plus précisément à KFC ! Cette tradition remonte aux années 1970, quand la chaîne américaine Kentucky Fried Chicken a lancé une campagne publicitaire intitulée « Kentucky for Christmas » (Kurisumasu ni wa Kentakkii). La campagne fut un succès retentissant et marqua le début d’une tradition qui perdure encore aujourd’hui.
Origine de la tradition :
Dans les années 1970, on ne célèbrait pas largement Noël au Japon, car le christianisme y est minoritaire. Cependant, l’idée de célébrer Noël de manière « occidentale » commençait à séduire la population. En l’absence de dinde, difficile à trouver au Japon, KFC a proposé son poulet frit comme une alternative festive et « américaine ».
Comment ça se passe aujourd’hui ?
- Menus spéciaux : À Noël, KFC propose des menus spéciaux comprenant du poulet frit, des gâteaux (souvent décorés de façon festive), et même du vin. Il faut souvent réserver ces repas à l’avance, parfois plusieurs semaines avant Noël.
- Un rituel familial ou romantique : Contrairement à l’Occident où Noël est souvent une fête familiale, au Japon, elle est aussi très populaire auprès des couples, qui en font une sorte de Saint-Valentin hivernale. Partager un repas de KFC devient alors un moment chaleureux et symbolique. Il fallait le faire…
Quant à moi, j’ai passé pour Noël pour la première fois sur les pistes de ski ! Ma famille d’accueil m’a fait un super cadeau de Noël, en m’emmenant dans une petite station locale.

Fin du volontariat à Ibiza, en route vers la préfecture d’Oïta
Le 26 décembre, lendemain de Noël, signe mon départ du restaurant Ibiza. Pendant ces 4 semaines à partager la vie de mes hôtes et des employés, j’ai vraiment eu l’impression de faire partie de la famille. Impossible de ne pas ressentir un pincement au cœur en montant dans la voiture. Un dernier petit échange de cadeau, et nous prononçons la formule de politesse adaptée à ce type de situation : Osewa ni narimashita = « Merci d’avoir pris soin de moi »
Si mon programme le permet, j’aimerais beaucoup repasser les voir en été, pour ainsi découvrir une autre perspective sur les montages et le restaurant.
Avant d’attaquer un nouveau volontariat d’un mois en janvier, j’ai décidé d’aller explorer deux villes touristiques de la préfecture d’Oïta, plus au Nord de l’île de Kyushu. Je vais ainsi travailler une semaine en volontariat dans une auberge de jeunesse à Yufuin, avant de passer deux jours à visiter Beppu. Je réserve donc ces nouvelles découvertes au prochain article.
D’ici là portez vous bien !
またね
Antoine