Bonjour à toutes et tous !
Le saviez-vous ? En japonais on demande rarement frontalement si ça va. La question ‘comment vas tu ?’ existe, mais elle n’est pas souvent prononcée. On préfère souvent la poser implicitement en parlant d’un fait trivial, comme la météo. Ainsi, permettez moi de vous demander si ça va, à la japonaise :
– « Il fait chaud aujourd’hui n’est-ce pas ? »
Maintenant que les formalités sont expédiées, je vous propose de retourner dans la capitale du Japon, où je profite de la myriade de possibilité qu’offre la métropole.
Comme c’est la première fois que je reste stationnaire à ce point, le rythme de mon récit s’en retrouve perturbé. Ainsi, une fois n’est pas coutume, à la place d’un récit chronologique, je vous propose de découvrir Tokyo quartier par quartier, au rythme de mes balades.
Allez hop, on enfourche Adriano, et c’est parti pour le premier quartier !
Kuramae, entre tradition et modernité
Bon, franchement, j’aurai évité d’utiliser cette formulation éculée jusqu’au bout… Mais là impossible de m’en empêcher ! Vous allez comprendre pourquoi.
Kuramae est un de mes quartiers préférés à Tokyo. Il s’agit d’un coin très calme, situé au sud d’Asakusa. Pendant l’ère Edo ce lieu était habité par de nombreux marchands de céréales qui approvisionnaient le shogunat en riz. Ainsi ‘Kuramae’ signifie en japonais « devant les greniers ».
(D’ailleurs, c’est le même « Kura » que le village de Tanekura, où j’ai travaillé dans le Ryokan).

Du fait des loyers plus abordables, des artisans s’y sont graduellement installés. On y retrouve d’ailleurs encore de nombreux magasins de cuir, de tissus, ou de papeterie.
Ces dernières années, le quartier s’est doucement gentrifié, et il comporte désormais de nombreux cafés branchés. A tel point que le café hopping est l’une des activités phares lorsqu’on y passe un peu de temps.
Comme ce quartier est à moins de 10 minutes de vélo d’Asakusa, j’y flâne souvent. Je trouve beaucoup de plaisir à y observer les devantures et la vie des habitants.








Kuramae comporte aussi quelques temples et sanctuaires paisibles, qui proposent leur festivals annuels. Les rues sont alors investies par les yataïs, ces petits stands de nourriture éphémères. On peut alors profiter des animations comme les tambours taïkos ou les défilés des sanctuaires portatifs mikoshis.





Shinjuku, le quartier le plus animé de Tokyo
Changement d’ambiance instantané ! Près de 50 minutes à dos d’Adriano vers l’Ouest, vous atteindrez la jungle de Shinjuku. C’est sans doute le quartier le plus survolté de Tokyo, grouillant de monde, de bars, discothèques, et surtout de vices…
Shinjuku est avant tout un quartier d’affaire, rempli de gratte-ciel et des sièges d’énormes sociétés nippones. Cette zone est étiquetée comme LE quartier de divertissement à Tokyo. En effet, en plus du centre d’affaire, elle comporte d’innombrables commerces liés au monde de la nuit.

Ainsi, la plupart des aventuriers nocturnes désireux de s’immerger plus en profondeur dans les rues suspectes et les passe-temps semi-légaux, se dirigeront vers la zone de Kabukicho, qui y déploie ses tentacules louches.
Il s’agit effectivement d’un enfer de plaisirs tarifés, des clubs à hôtes et hôtesses, de rabatteurs, et de bars douteux. On y croise des salarymen éméchés, des touristes égarés, ou au contraire qui savent exactement ce qu’ils recherchent.
C’est franchement crade, souvent glauque, et parfois carrément dangereux. La zone est tristement célèbre pour les additions salées, voire les boissons trafiquées et les vols d’argent qui en résultent.
Lorsque mes sorties m’y emmènent, je parcours souvent les rues de Shinjuku avec un mélange de fascination et de malaise. Mais il faut reconnaître que pour prendre des photos, il s’agit d’un excellent lieu de safari urbain.







Enfin, impossible de parler de Shinjuku sans évoquer le Golden Gaï.
Dans les années 1950, le Golden Gai était un lieu de marché noir et de maisons closes. Après l’interdiction de la prostitution, il s’est transformé en un quartier de bars clandestins fréquenté par des écrivains et intellectuels. Grâce à l’attachement des habitués et à la mobilisation de certains propriétaires, il a échappé aux grands projets de rénovation qui ont transformé le reste de Shinjuku.
Aujourd’hui, plus de 200 bars sont répartis sur 3 ruelles, chacun avec son style et son ambiance propres. Certains sont décorés autour d’un thème (cinéma, rock, littérature…), d’autres sont très intimistes, n’accueillant que quelques clients à la fois. Assez peu connu il y a 10 ans, ces rues sont maintenant une attraction touristique majeure du quartier.

Ce qui fait la spécificité du Golden Gaï, c’est son ambiance unique : chaleureuse, rustique, et très différente du reste de Tokyo. Malgré un côté encore très conservateurs, certains bars s’ont plus s’ouvrent aux étrangers. D’autres, au contraire restent très confidentiels et réservés aux habitués.
Jimbocho et ses libraires d’antan
Le lendemain de votre nuit folle à Shinjuku, vous aurez peut-être besoin de prendre une pause à Jimbocho pour vous ressourcer intellectuellement. Après tout, il s’agit du quartier idéal pour cela !
Connu comme le « quartier latin » de Tokyo, on y retrouve près de 70 libraires d’occasion et de maisons d’édition. On y retrouve également de nombreux cafés et une grande concentration d’universités.


Il s’agit concrètement d’une grande rue principale bordée de librairies à rayonnage ouvert. Les livres recouvrent les façades elles-mêmes, empilés à l’extérieur comme une invitation à fouiller.
L’échoppe la plus célèbre, avec ses étagères en plein air croulant sous les vieux mangas, les romans patinés et les revues d’un autre âge, a sans doute déjà été immortalisée des milliers de fois ; mais je me permets tout de même de vous en glisser une photo ci-dessous.
Je trouve le fait qu’on puisse encore trouver dans ces rues des parchemins datés de l’époque Edo assez fantastique ! Même sans être un amateur de livres rares ou anciens, la vue des passionnés fouillant respectueusement dans les bacs poussiéreux à la recherche de leur prochain trésor de papier est tout à fait charmante.



Vous l’aurez compris, Jimbocho n’a rien de tape-à-l’œil. C’est justement ce qui fait tout son charme. Le quartier ne cherche pas crâner : il se laisse apprivoiser en douceur, au gré des vitrines et des couvertures usées. Y passer, c’est s’offrir une petite bouffée de calme au milieu du tumulte tokyoïte.
Ainsi, il n’y a pas matière à trop s’étendre sur ce mignon petit coin. Je vous invite tout de même chaudement à vous y promener si vous êtes de passage !
Akihabara l’electrisante
Pour finir, laissez moi vous présenter un dernier quartier emblématique de Tokyo : Akihabara, le quartier le plus électrique de la capitale. Je vous invite à prendre cela au pied de la lettre, puisqu’il s’agit de l’épicentre technologique de Tokyo. Ou du moins, était-ce le cas avant que les rues ne se transforment en vitrines tape-à-l’oeil bordées de jeunes femmes habillées en soubrettes…
Replongeons ensemble dans l’histoire de cet arrondissement unique.
Né d’un incendie dévastateur en 1870, ce quartier situé entre Chiyoda et Taitō était à l’origine une zone coupe-feu, puis un sanctuaire dédié à la protection contre les flammes. Avec le temps, les feuilles mortes de l’automne s’y sont accumulées, donnant naissance à son nom poétique : Akiba-no-hara, le « champ des feuilles d’automne ».
L’arrivée du train en 1890 change la donne. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, d’ingénieux étudiants transforment les rues en marché improvisé de radios bricolées avec les surplus militaires. Le quartier devient rapidement le cœur battant de l’électronique tokyoïte, profitant des vagues successives de l’électroménager, puis de l’informatique.

Aujourd’hui, Akihabara, ou simplement Akiba pour les habitués, jongle avec ses identités. Les ruelles étroites et marchés couverts regorgent encore de pièces détachées improbables, pendant que les grandes enseignes comme Yodobashi Camera étendent leur empire de gadgets dernier cri. Mais surtout, Akiba est devenu un sanctuaire moderne pour les amateurs de manga, d’anime et de culture otaku.

On y retrouve ainsi de nombreux magasins dédiés à cette culture, ainsi que de nombreux maids-cafés, dont la promotion est assurée par de jeunes femmes alignées dans la rue.
Les maids-cafés : expérience amusante ou déviance bizarre ?
Nés à Akihabara au début des années 2000, les maid cafés font aujourd’hui partie intégrante du paysage culturel du quartier. Leur concept ? Offrir une expérience hors du commun où les serveuses, habillées en soubrettes inspirées des mangas, accueillent chaque client comme un “maître” ou une “princesse”, dans une ambiance douce et théâtrale.
Dans ces cafés, on ne vient pas seulement boire un thé ou grignoter un omurice (omelette au riz). On vient pour le rituel : les formules magiques chantées sur les plats pour les rendre “plus délicieux”, les jeux de société partagés avec les maids, ou encore les mini-performances sur scène. L’idée est de recréer un univers « kawaii » (mignon), chaleureux et fantasmé, à mi-chemin entre le café de quartier et le cosplay.
Mais si l’expérience intrigue et amuse de nombreux touristes, les maid cafés suscitent aussi des controverses. On leur reproche parfois de nourrir des fantasmes autour d’une féminité soumise, d’encourager une certaine objectification, ou d’attirer des clients aux intentions douteuses. Certaines maids racontent devoir jongler entre les attentes exagérées de clients et un cadre de travail flou.
Malgré cela, les maid cafés demeurent un pan fascinant (et déroutant) de la culture otaku japonaise.
Vers la dernière partie de mon séjour à Tokyo
Au moment ou je publie cet article, il me reste moins de 10 jours à couvrir avant de clore définitivement le chapitre de mon séjour à Tokyo. Mon objectif de ralentir un peu la cadence est plutôt rempli, mais malgré cela, ces deux mois passent à une vitesse folle.
Je ne m’y attendais pas vraiment, mais je ressens étrangement la même chose que lors de mes derniers jours au restaurant Ibiza : un confort bien installé, mais aussi une langueur grandissante, et en bruit de fond, une envie de changement. Autrement dit : il est bientôt temps de passer à autre chose !
Mais avant ce moment fatidique, pour la dernière partie de mes aventures dans la capitale, je vous propose pour le prochain article de continuer à découvrir les quartiers qui m’ont marqués, ainsi que quelques sorties sympathiques.
D’ici là portez vous bien, et profitez de l’été !
またね
Antoine