Des hauts et des bas à Takachiho : un mois dans un temple bouddhiste

Bonjour à toutes et tous ! Je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel article, et une nouvelle préfecture du japon à explorer !
Remis de mes émotions festives, j’ai ainsi repris mon exploration de la région de Kyūshū. Pour ce dernier mois sur l’île, j’ai eu la chance de pouvoir rejoindre, en volontariat, une famille à la tête d’un temple bouddhiste dans la ville de Takachiho.

Moi qui ne connaissais rien à cette religion, c’est l’occasion d’apprendre ce qu’elle représente pour les japonais, et comment elle est pratiquée. C’est aussi, et surtout, une belle opportunité de découvrir la préfecture de Miyazaki, qui regorge de lieux uniques et chargés d’histoire.

Immersion à Takachiho, haut-lieu spirituel du pays

Situé dans la préfecture de Miyazaki, à l’Est de l’île de Kyūshū, la ville de Takachiho compte aujourd’hui un peu plus de 10 000 habitants.
Ce qui la rend si spéciale, c’est que cette ville fait partie intégrale de la mythologie japonaise. Et pas n’importe quelle mythologie : la ville est au coeur d’un des mythes les plus importants du Japon, la légende de la déesse Amaterasu. Mais j’y reviens dans un instant.

La ville de Takachiho, comme beaucoup de villes au japon, s’étend sur une très grande superficie via les petits bourgs qui la compose. Son altitude moyenne est ainsi située entre 200 et 1700 m. Sacrée fourchette !

La rivière Gokase traverse la partie principale de la ville. Cette dernière, au fil du temps, a creusé de profondes gorges au relief impressionnant. Ces gorges représentent ainsi une des attractions touristiques principales de la ville. On peut les visiter en se promenant sur un sentier qui les longe, mais il est également possible de louer un petit bateau pour naviguer paisiblement sur ses eaux.

En poursuivant ma promenade, j’ai atteint l’extrémité du chemin qui longe les gorges. C’est là que se trouve le lieu le plus sacré de la région, peut-être même de tout le Japon : le sanctuaire d’Amaterasu.

Ce sanctuaire est niché dans une grotte. Son architecture, d’une grande simplicité, se distingue par un tori en bois brut, non peint, d’une sobriété remarquable. Et c’est d’ailleurs ce dépouillement qui confère au lieu une atmosphère profondément solennelle et spirituelle, presque tangible.
Dans la quiétude de la grotte, on distingue une multitude de pierres empilées. La légende raconte qu’en ajoutant une pierre aux édifices tout en faisant un voeu, ce dernier se réalisera.
L’ambiance qui se dégage de ce lieu est unique, et j’ai bien ressenti pourquoi les japonais l’ont choisi pour incarner la grotte légendaire de la légende d’Amaterasu.

La légende d’Amaterasu, la déesse japonaise du Soleil

Il y a bien longtemps, Amaterasu, la déesse du Soleil, régnait sur le ciel et apportait lumière et chaleur au monde. Mais un jour, furieuse des querelles provoquées par son frère Susanoo, le dieu des tempêtes, elle se réfugia dans une grotte, fermant l’entrée avec un énorme rocher.

Privé de la lumière d’Amaterasu, le monde plongea dans les ténèbres, et le chaos s’installa. Les autres dieux, désespérés, mirent au point un stratagème pour la faire sortir. Ils organisèrent une fête bruyante près de la grotte. Une déesse, Ame-no-Uzume, dansa de façon si exubérante que les dieux éclatèrent de rire. Intriguée par ce tumulte, Amaterasu entrouvrit la grotte, curieuse de voir ce qui se passait.
À ce moment, les dieux brandirent un miroir pour refléter son éclat et l’attirer hors de sa cachette. Une fois dehors, ils refermèrent la grotte pour l’empêcher d’y retourner. Ainsi, la lumière revint dans le monde, et Amaterasu reprit sa place dans le ciel.

Depuis, elle est vénérée comme la divinité centrale du shintoïsme, symbole de vie et de renouveau.

Cette légende est profondément ancrée dans la région de Takachiho, qui regorge de temples et sanctuaires. Ces derniers comportent ainsi souvent les symboles de ces divinités, comme le soleil ou le croissant de lune.
En explorant les différents villages et lieux-dits aux alentours, j’ai découvert des sanctuaires magnifiques, où seuls les locaux se rendent pour prier.

Le temple Shonenji et son arrière-boutique

Le temple Shonnenji est, sans aucun doute, unique. J’ai premièrement fait la connaissance de Victoria, prêtresse et épouse du prêtre principal. Vous l’aurez remarqué à son prénom, Victoria n’a pas exactement un prénom japonais… Elle est, en effet, anglaise, et elle est d’ailleurs la seule femme d’origine étrangère ayant été ordonnée dans un temple bouddhiste au Japon. La classe non ?

Si vous souhaitez en apprendre plus sur le temple, un article wikipedia en français existe !

Dès mon arrivée au temple Shonnenji, j’ai tout de suite été frappé par la taille et l’atmosphère qui se dégageaient des lieux. Le temple comporte une grande volée de marches en pierre, surplombées d’une tour en bois (appelée shoro) qui contient une grande cloche en bronze.
On débouche alors sur une cours pavée, bordée de fontaines taillées à même la pierre, avant d’arriver au bâtiment principal, qui sert pour les services.

La résidence de vie se situe juste à côté. J’ai pu ainsi rencontrer le reste de la famille, en particulier Junsho, le prêtre principal, 17e génération des prêtres de Shonenji, et Reo, son fils. Comme la position de prêtre en chef est héréditaire par le fils aîné, ce dernier prendra sa place en 2028.

Avec un cadre pareil, je me suis tout de suite dit que ce mois passé à travailler ici allait être génial. Et bien…pas vraiment.

La première raison à cela est l’atmosphère qui règne dans le temple. l’explication n’est en vérité pas très joyeuse : Junsho souffre d’une grave maladie cardiaque, et a été récemment opéré pour bénéficier d’un cœur artificiel. Cela a naturellement de lourdes conséquences sur sa vie et celle de ses proches.
Bien évidemment, j’éprouve beaucoup de compassion et d’admiration pour Junsho et sa famille, qui restent positifs dans l’adversité. Cependant cette situation entraîne aussi beaucoup de responsabilités de ma part : le conduire fréquemment à l’hôpital, lui préparer ses repas, l’aider dans certaines tâches du quotidien.
Ces grosses responsabilités, presque d’ordre médical, n’avaient pas du tout été présentées par Victoria avant mon arrivée.
En un mot : même si je suis venu pour donner un coup de main, je n’avais pas spécialement prévu de me retrouver auxiliaire de vie…
Contrepartie positive : j’ai le droit d’utiliser la voiture pour explorer la région pendant les temps libres. Encore faut-il en avoir…

En effet, le reste du volontariat consiste à aider au quotidien, notamment les tâches ménagères. J’ai cependant fréquemment l’impression que ma famille d’accueil compte un peu trop sur moi pour les faire. J’ai beau être là pour ça, quand je vois la famille se lever de table en laissant leurs assiettes en plan, en me laissant tout débarrasser et laver, ça m’agace ! Ne serait-ce que par politesse, ça serait quand même mieux d’au moins les mettre dans l’évier non ?

Autre point qui occasionne un peu de frustration : les chiens. La famille possède deux gros toutous adorables. Ma mission consiste à m’en occuper, c’est-à-dire les sortir et les nourrir. Problème : les chiens ont été extrêmement mal éduqués.

Dès lors que les chiens veulent faire leur besoin, manger ou se balader, ils se mettent à aboyer sans relâche. Plutôt que de chercher à rattraper ce comportement, la famille cède systématiquement, et se retrouve donc complètement esclaves de leurs chiens.

Petit résumé du cirque :

  • 4h du matin : les chiens aboient, il faut les sortir (par -5 degrés) pour leurs besoins
  • 6h du matin : rebelote, puis premier repas donné
  • 9h du matin : balade matinale
  • 13h : balade post-prandiale
  • 16h : balade puis deuxième repas
  • 20h : avant-dernière balade
  • 21h30 : dernière balade de la journée

Je suis très sensible à la cause animale et à la nécessité de garantir le bien-être des animaux de compagnie. Mais là, on a un petit souci non ?
De fait, cela signifie que même les jours où j’ai un peu de temps libre, je ne peux jamais prévoir plus de 3h à l’extérieur, sous peine d’aboiements compulsifs et de voisins en rognes. Impeccable.

Allez, une petite mission rigolote pour changer : à 18h, je dois sonner la cloche du temple . Équipé de mon casque anti-bruit, je sonne 6 coups espacés de 30 secondes chacun. À noter que la cloche doit également sonner à 6h du matin (heureusement ce n’est pas à moi de le faire, même si je subis les conséquences de ces gongs matinaux quoi qu’il en soit).

Prendre de la hauteur sur la situation

Bon, quand on fait la liste des points fâcheux, c’est vrai que le tableau n’est pas très glorieux. Une question s’est alors posée naturellement : dois-je partir plus tôt que prévu ? C’est vrai ça, rien ne me force à rester un mois comme annoncé, après tout, je n’ai pas signé de contrat…
Au final, j’ai décidé de m’accrocher à l’heure où j’écris cet article. Déjà, parce que moralement ça m’embête, malgré les points listés précédemment, de les laisser seuls avec leurs problèmes. Et aussi parce que j’ai décidé de tirer le meilleur parti de la région avant de quitter Kyūshū pour de bon.

Pour commencer, j’ai décidé d’aller grimper une montagne locale, nommée Gembuzan (le suffixe san, ou zan, signifie montagne en japonais ; d’où parfois le terme Fujisan pour désigner le mont Fuji). Moins haute que le magnifique Yufudake à Yufuin, Gembuzan et ses 955m reste une belle ascension.
Cette dernière, malgré un sentier glissant à cause des feuilles et de la neige, m’a offert un magnifique point de vue sur la vallée. J’ai pu profiter de sa quiétude, et de son petit autel. Rien de tel qu’une bonne marche dans la nature pour se remettre les idées en place, non ?

J’ai également profité d’une rare journée de repos pour aller conduire autour du mont Aso. Ce dernier est la curiosité géologique la plus célèbre de la région. Il s’agit ni plus ni moins que du volcan actif le plus vaste du pays. Sa caldeira est une des plus larges au monde, et en conduisant sur ses extrémités on peut profiter de magnifiques points de vue sur ses différents sommets.

Mais dis-moi Jamy, c’est quoi une caldeira ?

C’est simple, Fred ! Imagine un immense chaudron volcanique. Une caldeira, c’est une dépression circulaire ou elliptique qui se forme lorsqu’un volcan s’effondre sur lui-même. Ce phénomène se produit généralement après une éruption explosive qui vide la chambre magmatique sous le volcan. Sans soutien, le sommet s’effondre, créant un gigantesque cratère.

C’est pourquoi certaines caldeiras, comme celle du mont Aso, peuvent atteindre des dizaines de kilomètres de diamètre.
Elle mesure mesure en effet environ 25 kilomètres de large et 18 kilomètres de long, soit une surface énorme ! Elle s’est formée il y a environ 90 000 ans après une série d’éruptions colossales qui ont vidé la chambre magmatique sous le volcan, entraînant l’effondrement du sol.
À l’intérieur de cette caldeira, plusieurs volcans actifs continuent de fumer et de cracher de la lave, dont le Nakadake, célèbre pour ses panaches de gaz sulfureux. Ce site est un véritable laboratoire géologique à ciel ouvert, et il est aussi habité ! Les sols riches en cendres volcaniques ont permis l’installation de communautés agricoles prospères.

Enjoy the best, f*** the rest

Épargné jusqu’ici, il fallait bien qu’en un an de voyage ça finisse par arriver : une expérience en dessous de mes attentes.
Sans trop philosopher, dans ce genre de cas, je crois que tout dépend de l’état d’esprit qu’on choisit d’adopter. Pour ma part, j’ai décidé de tenir bon et de me concentrer sur le positif. Chaque jour, j’apprends un peu plus de japonais, je prends des photos, et je savoure la beauté naturelle de Kyūshū.
Avec le recul, je suis convaincu que seuls les bons souvenirs finiront par rester. Alors, pour ceux qui traversent une journée difficile, voici un petit message d’encouragement : derrière chaque chien têtu, se cache une montagne magnifique à gravir ; derrière chaque assiette à laver, un temple caché à explorer.


またね
Antoine