Une aventure unique dans la préfecture de Mie

Konnichiwa mina-san ! Je suis ravi de vous retrouver dans ce nouveau carnet de voyage.
Après une semaine mémorable dans la préfecture de Wakayama, nous prenons la direction de la préfecture voisine de Mie.
C’est ainsi une nouvelle semaine de volontariat qui commence. Dans cet article, vous découvrirez que ce dernier s’est avéré bien plus bizarre que prévu...
Fort heureusement, cette semaine nous à également réservé de magnifiques expériences et quelques autres belles surprises.
C’est parti !

À la découverte des Ama, les femmes plongeuses les plus cools du pays 

Avant de commencer notre nouveau volontariat, nous avons bifurqué en train jusqu’à l’île de Kashikojima. C’est là que nous avons rejoint le ryokan Kashikojima Hojoen.
Située à la pointe de ce lieu très isolé, cette auberge traditionnelle permet de se reposer dans un cadre magnifique, avec vue sur la mer et de grands onsens en plein air. Points bonus pour la vue sur le lever de soleil sur la mer depuis la chambre !

Mais pourquoi donc avons nous choisi de nous offrir un tel luxe au beau milieu de nulle part ? C’est parce que cette auberge est un des rares lieux depuis lequel on peut rejoindre le port de Kashikojima à pied.
Et c’est depuis ce port qu’il est possible de profiter d’une expérience unique au monde : passer du temps sous l’eau avec une plongeuse Ama.

Mais au fait, qui sont vraiment les Ama ?

Voici l’histoire fascinante qui se cache derrière ce métier unique. Le mot Ama (海女) signifie littéralement « femme de la mer ». Et ce n’est pas qu’un joli surnom : il s’agit d’un véritable métier ancestral, exercé depuis plus de 5 000 ans sur les côtes du Japon. Rien que ça.

Traditionnellement, les Ama plongent en apnée pour récolter coquillages, crustacés, ormeaux, et parfois même des perles. Et tout cela sans bouteille d’oxygène.
À l’origine, elles portaient seulement un pagne blanc, plongeant dans des eaux souvent glacées, été comme hiver. Leur quotidien était rythmé par les marées, le chant du vent, et les cliquetis de leurs outils sous l’eau.

Longtemps, cette activité a été une véritable affaire de famille, transmise de mère en fille.
On trouve encore aujourd’hui des villages de plongeuses Ama, surtout dans les régions d’Ise-Shima. Mais leur nombre diminue d’année en année… Ce métier unique est aujourd’hui en danger.

Et pourtant, rencontrer ces femmes exceptionnelles, c’est comme toucher une part vivante de l’histoire japonaise. Leur force tranquille, leur humour franc, leur lien intime avec la mer… Tout en elles raconte une autre façon d’exister. Une vie au rythme de la nature, brute et belle, loin des écrans et du tumulte.

Une plongeuse Ama en habits blancs traditionnels

Après avoir revêtu nos combinaisons, équipé nos poids et enfilé nos masques, nous nous sommes jetés dans l’eau glacée pour pratiquer cette activité ancestrale. 
La tâche n’est pas si simple : il faut d’abord repérer les mollusques intéressants depuis la surface sans boire la tasse, malgré les vagues. Puis plonger en apnée contre le courant, et maîtriser sa flottabilité pour atteindre le coquillage.
Il faut ensuite le décrocher à l’aide d’un petit outil tranchant, sans qu’il ne tombe dans les fissures des rochers. Et enfin, le placer à la main (gare aux piquants des oursins) dans le panier flottant prévu à cet effet.

À cela, s’ajoutent le ressac, la température glaciale de l’eau, les rochers glissants et le souffle court dû aux plongées répétées. L’avoir vécu m’a vraiment fait éprouver le plus profond respect pour ces femmes qui peuvent plonger deux fois par jour toute la semaine, à des profondeurs deux fois plus importantes que celles que nous avons pratiquées. Et qui, pendant très longtemps, ont pratiqué cette activité pour nourrir leur famille.

Remarquez l’aisance avec laquelle notre sensei Ama (en blanc) se déplace sous l’eau par rapport à notre flottabilité de sac de patates

Après cette séance exaltante, le bateau et notre appétit nous ont ramenés sur la terre ferme. Nous avons pris la direction de la presqu’île de Shimacho, pour découvrir une autre facette du métier des Ama.
En plus de plongeuses chevronnées, les Ama sont aussi d’excellentes cuisinières ! C’est dans leurs huttes qu’elles amènent le fruit de leur pêche. En allumant un feu central, elles peuvent ainsi à la fois se réchauffer le corps, et faire cuire les différents coquillages à la braise.
Le goût et la fraîcheur de ces produits de la mer d’une qualité exceptionnelle nous resteront longtemps.

Pour finir cette partie sur ces femmes exceptionnelles, voici un petit quizz ! La réponse est à dérouler sous la question, alors ne trichez pas et essayez de trouver la réponse !

1. Pourquoi les plongeuses Ama sont elles quasiment toutes des femmes ?

Historiquement, ce sont surtout des femmes qui ont exercé ce métier car leur corps retient mieux la chaleur que celui des hommes, en particulier grâce à une plus grande quantité de graisse sous-cutanée, ce qui leur permettait de rester plus longtemps dans l’eau froide sans combinaison.

2. Pourquoi les Ama portent-elles une combinaison blanche quand elles plongent ?

Le blanc est une couleur porte-bonheur dans la tradition japonaise, souvent associée à la pureté et à la protection. Cependant, pour les ama, porter du blanc était censé les rendre plus imposantes aux yeux des prédateurs marins comme les requins ou les barracudas ! Avant l’usage des combinaisons de plongée, elles portaient d’ailleurs un simple pagne blanc ou une tunique légère de cette couleur.

3. Quels sont aujourd’hui les deux plus grands dangers qui menacent la survie de ce métier ancestral ?

Les deux principales menaces sont :

La disparition de la relève, car le métier est très physique, peu rémunérateur et considéré comme démodé par les jeunes générations. La plupart des Ama ont aujourd’hui plus de 60 ans.

Le réchauffement climatique, qui modifie les écosystèmes marins et réduit la disponibilité des coquillages et crustacés qu’elles récoltent.

Une semaine particulière à Tsu dans une pseudo-ferme

Après avoir retrouvé nos esprits suite à cette expérience incroyable, nous voici repartis en volontariat. Cette fois-ci, nous posons nos bagages au Nord de la ville de Tsu, la capitale de la préfecture de Mie.
Tsukie-san & Youichi-san nous ont accueillis, pour environ une semaine.

Le travail consiste à aider Tsukie-san, dans un espace qu’elle possède à quelques minutes de sa résidence. Il s’agit d’un versant de montagne, où la forêt a été aménagée en espace agricole. On y retrouve aussi deux poulaillers et quelques chèvres, ainsi qu’un bel étang.
Ce type de paysage fermier se nomme Satoyama, il est assez commun au Japon, mais menacé :

Qu’est ce qu’un paysage de Satoyama ?

Le terme satoyama désigne un type de paysage rural traditionnel du Japon ; il relie les plaines cultivées aux montagnes boisées. Le mot combine sato (里), qui signifie village ou habitat humain, et yama (山), qui signifie montagne. Le satoyama incarne donc un espace où les humains mènent leurs activités en harmonie avec la nature.

Depuis longtemps, les communautés locales façonnent ces paysages grâce à des pratiques agricoles, forestières et de gestion durable des ressources : elles aménagent des cultures en terrasses, collectent le bois de chauffage, entretiennent les forêts secondaires, irriguent les rizières et pêchent dans les étangs. Grâce à ces pratiques, elles ont préservé une grande biodiversité, transformant le satoyama en un écosystème semi-naturel foisonnant de vie animale et végétale.

Les Japonais associent aussi le concept de satoyama à une vision culturelle et philosophique de l’environnement, qui célèbre la cohabitation harmonieuse entre l’homme et la nature. À partir des années 1990, des chercheurs, militants et institutions ont commencé à mettre en avant ce terme dans les débats sur le développement durable et la conservation de la biodiversité.

Aujourd’hui, le déclin des zones rurales, le vieillissement des agriculteurs et la déforestation menacent ces paysages. Heureusement, des collectivités locales, des chercheurs, des citoyens engagés et des ONG multiplient les efforts pour préserver et restaurer les satoyama à travers tout le Japon.

Le travail au sein de cet espace n’avait malheureusement pas grand-chose de stimulant. Il consistait à soigner les animaux le matin, puis à broyer du bambou l’après-midi.
Le bambou, en effet, pousse très rapidement. Et sans contrôle, il envahit souvent toute la zone ! Il faut donc régulièrement le couper, puis le broyer. Il s’agit cependant d’un bois très dur, qui prend donc beaucoup de temps avant d’être réduit en sciure. La machine produit également un son très désagréable, ce qui rend impossible toute communication. Remplir cette mission plusieurs jours d’affilé s’est donc avéré assez éreintant et très répétitif.

Fort heureusement, nous avons pu profiter de délicieux repas préparés par nos hôtes, qui nous ont redonné des forces pour attaquer une nouvelle journée de broyage. Je dirais qu’au final ce volontariat ne m’aura pas marqué profondément, mais il n’était pas non plus insoutenable. C’est un 12/20 pour ma part !

Profiter des richesses de la préfecture de Mie

Ne perdons toutefois pas le Nord ! Ce n’est pas pour le travail que nous avons rejoins Mie, mais bien pour les trésors que la préfecture contient. Et à ce niveau-là, c’est un 20/20 !
En tout premier lieu, nous avons profité de la floraison des glycines. Moins iconiques que les sakuras, elles séduisent pourtant de nombreux Japonais, qui partent les admirer en avril, directement dans la nature, là où elles s’enroulent librement dans les feuillages des arbres. Les jardiniers les mettent aussi en valeur dans les parcs, comme au très impressionnant Kazahaya no Sato, où nous avons flâné pendant quelques heures.
La combinaison des différentes espèces de glycine et des beaux aménagements du parc sont propices aux flâneries, et c’est le cœur léger que nous avons parcouru ces chemins chatoyants.

Si vous êtes de passage dans la préfecture de Mie, vous aurez forcément la ville d‘Ise dans votre plan de voyage. Elle est surtout connue pour abriter le sanctuaire le plus sacré du Japon, Ise Jingu. Ce dernier ne manque en effet pas de panache, mais avant de vous le présenter, je vous propose une petite promenade dans un quartier plus confidentiel de la ville.
Il s’agit des rues de Kawasaki, en plein cœur de la ville. Le long de la rivière Seta, nous avons ainsi arpenté ces calmes ruelles chargées d’histoire. Jadis, ce quartier était, en effet, connu pour servir de base commerciale pour le transport fluvial de marchandise. Aujourd’hui, il se visite en marchant, en profitant des petits cafés, restaurants et boutiques qui le jonchent, et qui offrent une belle plongée dans le temps.

Nous arrivons maintenant au célèbre Ise Jingu. Ce sanctuaire est sans nul doute l’attraction phare de la ville, et pour cause : il est considéré comme étant le plus important de la religion Shinto au Japon. Parfois qualifié de l’Âme du Japon, il est constitué de pas moins d’une centaine de bâtiments.
Il se compose par ailleurs de deux sites principaux : Le premier, dédié à la déesse solaire Amaterasu, est nommé Naiku. Le second, nommé Geku, dédié à une déesse de la nourriture Toyouke, est situé dans le quartier Toyokawa.
Six kilomètres séparent les deux sanctuaires, mais ils sont en réalité reliés par de nombreuses routes sacrées. Pour vous donner une idée de la taille totale : la superficie totale des deux parties est environ équivalente à celle de Paris intra-muros !

Vous remarquerez sur les photos de grands espaces vides. À quoi servent-ils ? De façon tout à fait unique, le sanctuaire est déconstruit, puis intégralement reconstruit tous les 20 ans ! Il s’agit d’un symbole de pureté, mais ce chantier titanesque cache également une raison pratique : les ouvriers peuvent ainsi assurer la passation des savoir-faire ancestraux aux futures générations. Ainsi, les méthodes artisanales sont conservées.

Devant la partie Naiku, se trouve la grande rue commerçante d’Okage Yokocho. Très touristique, les Japonais et les étrangers s’y pressent pour profiter des nombreuses spécialités culinaires de la région.

Enfin, pour terminer cette visite de la région, je vous emmène voir les cailloux les plus romantiques de la ville.
Il s’agit des Meoto Iwa, littéralement les rochers mariés. Ces célèbres roches sont situées sur la côte d’Ise. Le plus gros rocher affleurant de la surface de la mer, symbolisant l’homme du couple, est relié à un plus petit rocher à ses côtés par une corde sacrée Shimenawa.

Attendez, problème de mise au point
Ah voilà c’est mieux

On comprend donc pourquoi cette formation est naturellement devenue un symbole de fertilité et de bonheur dans le mariage. Les visiteurs y viennent nombreux pour prier et espérer obtenir une bénédiction de leur couple.
Le lieu est également rempli de représentation de grenouilles. Cet animal sacré au Japon se nomme en japonais kaeru, ce qui peut également signifier « revenir, retourner ». Il est donc coutume de venir demander à ces petits batraciens une faveur divine, pour le retour de nos possession ou des êtres chers dans nos vies. Une visite très simple, mais qui m’aura beaucoup plus par son symbolisme !

Merci Mie ! En route vers les Alpes japonaises !

La préfecture de Mie nous aura offert de magnifiques souvenirs. Même si cette semaine de travail pseuso-fermier ne m’aura pas charmé, je suis ravi d’avoir plongé la tête la première dans la mer, et les traditions de cette région moins connue du pays. J’espère que cet article vous aura donné envie d’y faire un tour, ou du moins d’en parler à vos amis qui planifient un voyage au Japon !
Pour la suite des événements, nous laissons de côté la mer pour la montagne. Direction les fameuses Alpes japonaises, au sein desquelles nous allons nous occuper d’une auberge traditionnelle nichée au fin fond d’une vallée verdoyante… Une belle aventure en perspective !

Joyeux mois de Mai, profitez bien des ponts et de vos proches. À la prochaine !

またね
Antoine